Voyons voir ce que ça donne de ne pas suivre les règles ! [Jïnn & Warren]

Alors c’était finalement arrivé… Ce mot… Je savais pourquoi il était là. Je savais aussi autre chose : c’était que le directeur était absent. Alors que je sois convoqué dans son bureau… Ne présageait rien du tout de bon. Qu’allait-il se passer à présent ? Il dégageait quelque chose… Ce mot… Cette simple feuille de papier… Warren… Il était temps d’assumer tes bêtises. Il le fallait. Le mal était fait. C’était l’heure… Je levai le bras avec hésitation, mais finis par attraper le papier, et le décoller de ma chambre. Ce fut là que je commis l’une des pires erreurs de ma vie.

Dès lors que j’avais attrapé le papier, une force, bien au-delà de tout ce que je pouvais imaginer, prit possession de tout mon corps. J’essayai au départ de lutter, mais j’abandonnai bien vite : je n’allais qu’aggraver mon cas une fois que j’arriverais face au diamant chargé de nous punir… D’ailleurs, qui allait-ce bien pouvoir être ? Je venais de réellement me poser la question. À part Mr. Taylor, personne n’était réellement capable de toucher, si ? Même la foudre de Maester ne pourrait pas contrarier Encounter, de quelque manière que ce soit. Seul Mr. Taylor était capable de me tenir sous contrôle… Ou alors, le directeur était de retour ? Je fronçai les sourcils, alors que j’entrais dans l’aile nord. Dans ce cas… S’il ne s’agissait pas de Mr. Taylor… Où allais-je et dans quel but ? Un autre diamant, aussi fort ? Ou le retour du directeur ? Le mystère s’épaississait. J’allais bien voir de toute manière.

Bientôt, je rejoignis Jïnn dans le couloir là où se trouvait le bureau du Directeur. Je ne pouvais pas vraiment sourire, l’heure ne se prêtait pas à la joie de le voir avancer vers notre punition, mais je le gratifiai tout de même d’un geste de la tête et de la main respectueux. Tandis que nous avancions, Jïnn semblait tenir à s’excuser pour le pétrin dans lequel nous étions. Je ne pus retenir cette fois un léger, mais franc sourire.

« Eh, Jïnn, j’pense que je suis assez grand pour assumer mes bêtises seul, non ? On est tous les deux dans la merde, de toute façon. »

Et ensembles nous entrâmes dans le bureau. Je refermai la porte derrière moi par politesse… Mais constatai vite qu’il n’y avait personne. Je fronçai les sourcils, alors que je retrouvais le contrôle de mes jambes. Je les dégourdis légèrement, pour bien vérifier qu’elles m’appartenaient de nouveau. Affirmatif. Je me retournai vers Jïnn pour lui répondre :


« J’ai dû le croiser une ou deux fois… Avant qu’il ne disparaisse il y a un an et demi, il me semble. »

© Eerie Ange's

La salle était complètement vide… Nous étions là, tous les deux, attendant. Attendant quoi… Je ne savais pas vraiment. Mais je doutais qu’ils aient fait une erreur sur la convocation. La bêtise valait largement la peine d’être convoqué dans le bureau du directeur. Je savais qu’il allait se passer un truc. J’avais un mauvais pressentiment. Un très mauvais pressentiment. J’attendais simplement que quelqu’un vienne, et qu’il nous parle de notre punition… Mais je craignais également autre chose… Comme si ça allait être pire que de la simple parlotte… Ce serait trop simple, me disais-je… Beaucoup trop simple…

J’avais tellement vu juste…

Tout d’un coup, mes muscles se contractèrent. Comme si une force invisible les compressait tous à la fois, et qu’ils se sentaient obligés de répondre. J’invoquai aussitôt Encounter pour contrer cette étrange force… Mais il ne se manifesta pas. Je n’avais pas Encounter. Je n’avais plus Encounter. C’était… Je voulus tourner ma tête, ce que j’avais commencé avec beaucoup de difficulté, mais juste après, je ressentis une piqûre dans la nuque. Son effet fut instantané : je m’écroulai au sol. Pas d’Encounter disponible… Qu’est-ce que… Qu’est-ce qu’ils allaient faire de nous… Ma tête était tournée vers la droite, je pus lever les yeux pour apercevoir deux… Non, trois personnes, mais tout s’embrouillait dans mon crâne, j’avais de la peine à voir… Une journée… Bande d’enfoirés, en une journée, je… Je sombrai.

Un éclat de lumière… Une lumière aveuglante… Des ombres, beaucoup d’ombres… Une légère douleur au ventre… Ils s’activaient… Semblaient pressés… J’étais complètement attaché, je ne pouvais plus bouger… Encounter. Encounter… Je n’avais plus Encounter… Jïnn… Une journée, énergie… Des bribes me revenaient en tête… Aïe, mon ventre… Je regardai un peu à gauche à droite, le temps que mes yeux s’habituent à la lumière… J’avais mal aux bras, aux jambes, aussi… Jïnn… Il était là aussi… On s’activait aussi autour de lui… Mais poussez-vous, je voulais voir, que lui faisaient-ils… Je voulais… Je…



L’horreur. L’horreur absolue. Son corps était déchiré de toute part. Je pouvais voir ses organes, son squelette, tout l’intérieur de son corps… J’avais la nausée, mais elle était écrasée par la colère.



J’avais commencé à m’agiter pour me libérer… MAIS T’ES OU ENCOUNTER ? Évidemment que m’agiter faisait mal, horriblement mal, mais je devais me libérer pour leur péter la gueule… J’avais l’impression que sa douleur était la mienne…

Sa douleur était la mienne…

J’avais tellement mal, partout…

Je cessai d’un coup de m’agiter. Et je baissai lentement la tête vers mon propre corps… Là…



Je perdais conscience, putain… Le voir avait terriblement augmenté la douleur. Je savais maintenant… Je devais tenir… Je respirais fort, très vite, de la sueur, une cascade de sueur parcourait ma tête, je fermais les yeux… Je tremblais, de douleur, de rage… Je ne pouvais même pas m’arrêter, alors que ça me faisait encore plus mal… Douleur… De la douleur… On ne m’avait jamais fait aussi mal… Comment osaient-ils… Je serrais les dents… Rien à faire, je sombrais à nouveau.

Je ne sus combien de temps cela avait duré.  Je ne sus combien de temps avait duré cet effroyable tour de manège. Je me réveillais, me souvenais lentement, revoyais Jïnn en lambeaux, puis moi. Je ne tenais jamais le choc. Je tombais dans les pommes à chaque fois. Combien de temps cela avait-t-il duré… C’était arrivé une fois ? Deux fois ? Trois fois ? Six ? Sept ? Je ne saurais dire.

Encore… C’était encore arrivé… J’étais en train de devenir fou… Complètement taré… Au bout du énième réveil, j’avais les yeux gonflés, rougis par les larmes, exorbités, de la salive partout autour de ma bouche, la lèvre inférieure en sang à force de la mordre, et eux étaient toujours là, indifférents, à ouvrir et fermer mon corps comme s’il s’agissait d’une porte. J’avais le regard tourné vers le plafond… J’aurais préféré que la lumière me rende aveugle pour l’éternité, et que tout cela s’arrête. Je tenais un peu mieux le coup à présent… J’avais augmenté ma tolérance à la douleur. Je devais tenir. Je me refusais de crier. Je ne voulais surtout pas crier. Mais dès qu’ils se remettaient à toucher à l’intérieur, je reprenais à crier, comme une petite pucelle que l’on aurait violée dans une forêt. Je n’étais rien de plus qu’une petite pucelle, emmené par un groupe de pédophiles loin de toute civilisation. J’étais faible, moins que rien, plus bas que terre. Ces pensées avaient le don de déformer mon visage en une grimace entre colère, haine, rage, douleur, souffrance. J’étais entêté, terriblement fier. Au fond, je savais que c’était totalement inutile. Mais je continuais à tenter de forcer mes liens. Hors de question qu’ils fassent de moi ce qu’ils veulent… Ces chiens galeux, qui qu’ils soient allaient le regretter, c’était une promesse… J’avais mal aussi à la tête à force de m’obliger à ne pas demander grâce. C’était un combat qui s’était engagé au sein de mon cerveau, entre fierté et raison. J’avais évidemment une fierté à toute épreuve. Mais plus le temps passait, plus la raison se faisait forte. J’avais mal… Douleur… Ces enfoirés…



Folie… Folie, bordel… Sombre.

Énième réveil… Que je sois encore capable de respirer relevait du miracle. Mais c’était tout ce dont j’étais capable. Mes cheveux étaient complètement désordonnés et retombaient sur les trois-quarts de mon visage. Seule une partie de mon visage à droite, comprenant mon œil était disponible. Je n’étais plus capable de bouger. Plus capable de tourner la tête. Plus capable de fermer la bouche. Quelques filets de bave s’en écoulaient. Le corps était refermé pour de bon, je le sentais… Mais c’était bien loin d’être suffisant pour me rendre ma vigueur… J’étais une carapace abritant une demi-vie. Le regard fixe, mais je ne voyais pas. J’entendais, mais je n’écoutais pas. Tout n’était que bruits. Aucune interprétation n’était possible. Mon cerveau était complètement fatigué… Je n’en pouvais plus… Que tout cela s’arrête… Mon corps… Ils m’avaient…



© Eerie Ange's

Vide. Néant. J'étais vide. Je n'étais plus rien. Réduit à l'état de poussière. C'en était fini, terminé de moi. Je ne sentais plus ce souffle de vie. Je respirais toujours, mais j'aurais voulu ne plus jamais respirer. Je voulais juste que tout cela s'arrête. Que tout cela ait une fin. Qu'ils m'achèvent. C'était un cauchemar. C'était le pire des cauchemars. Je ne pouvais même pas finir ce qu'ils avaient commencé. C'était allé trop loin. Beaucoup trop loin. J'avais payé, ça y est, pourquoi ne voulaient-ils pas me laisser repartir à présent ? C'était trop demandé ? Dans un ultime effort, je regagnai mes sens, ce que je regrettai aussitôt étant donné qu'avec eux revint celui du toucher, plus violent que jamais. Ce n'était même plus un cri, mais un simple râle qui était sorti de ma gorge, obstrué par la salive et le sang. Il ne dura même pas longtemps. Je n'avais pas assez d'énergie pour ça. Des voix… Il y avait des voix… Non, je ne pouvais même pas comprendre… Si… Je devais… En dépit de mon horrible mal de crâne, je me concentrai pour traduire les ondes sonores étouffées qui me parvenaient. Je devais savoir ce qu'ils disaient… Mais je n'eus que ce qui semblait la fin de la conversation. Que je gravai aussitôt dans ma mémoire. Partir demain… 24 heures. Je n'avais que 24 heures à tenir. Que 24 heures… Encore 24 heures détenu ici… Je pouvais le faire… Je devais le faire… Et lorsque ce sera fait, je les retrouverai, l'Agence sera mise au courant… Et j'irai moi-même les détruire… Une fois que je serai sorti de là… Des pas se remirent à résonner. Je jure de faire payer à ces gens, qui qu'ils soient… Les pas se rapprochaient. Jamais ils ne s'en tireraient comme ça, je le jure sur l'honneur... Ils étaient tout proches. Je jure sur l'honneur que... La poignée se mit à tourner. Je buterai tous ces enfoirés.

La porte s'ouvrit rapidement, laissant place à des chirurgiens à nouveau. Mes yeux s'écarquillèrent aussitôt de terreur. Non, pas encore, pas encore… Je me remis aussitôt à m'agiter. Chacun de mes mouvements m'arrachait les nerfs, je n'étais capable que de faibles couinements tant j'étais fatigué, mais je refusais qu'ils me touchent. Je devais briser ces liens. Du mieux que je pouvais, je gigotais. En vain. Ils me plaquèrent brutalement sur la table de nouveau, et l'un d'entre eux se mit de nouveau à m'inciser le ventre. J'hurlai de nouveau, comme un goret pressentant la mort. C'était la seule chose dont je me souvenais, avant ce nouveau voile noir.

Ne me dites pas que ce n’était pas encore terminé… Combien de temps étais-je parti… Ce n’était pas assez… J’étais encore attaché. Non… Dormir était impossible… Il n’y avait personne, mais ils m’avaient laissé ouvert de partout. C’était insupportable, et pourtant pas assez pour que je m’évanouisse à nouveau… Maudite résistance. J’étais au plus mal. Je pensais plus tôt que ça ne pouvait pas être pire, mais ça l’était. Je n’étais pas préparé. Ces… Ces connards… J’entendis de loin la porte s’ouvrir, obnubilé par ma douleur. Je n’avais même pas daigné relever la tête pour savoir ce qui m’attendait. J’allais le savoir bien assez vite. Je ressentis d’un coup plusieurs seringues, injectées dans divers endroits de mon corps. Et là, c’était pire, pire encore, pire que tout. Je sentis un liquide se déverser dans mes muscles, les brûlant aussitôt. C’était beaucoup trop pour un simple humain. Je m’agitai sur ma table avec vigueur, non plus pour me libérer, bien que j’aurais fourni les mêmes efforts si là était mon but. Non, rester immobile m’était tout simplement impossible. Je ne pouvais pas. Il fallait que j’exprime ma souffrance, que je fasse sortir tout ça. Pourquoi… Pourquoi était-ce si douloureux de souffrir… J’aurais pu être immolé que j’aurais ressenti la même chose. Du rouge, je ne voyais que du rouge. Le rouge de mes organes, le rouge de mon sang, le rouge de ma chair. Du rouge partout. Je me décomposais. Du rouge, du rouge… Du noir…

Je devenais fou. C’était la fin. Je ne saurais dire, une nouvelle fois, combien de temps tout cela avait duré. Ils revenaient à chaque fois, pour me soigner toutes mes blessures, avant de recommencer à m’ouvrir. Je ne réagissais même plus. J’étais mort. Je pensais tellement que j’étais mort que je commençais vraiment à mourir de l’intérieur. Mon éclat de vie dans les yeux s’estompait peu à peu. Je grognais plus que je ne criais. Je m’agitais beaucoup moins. La douleur était toujours présente, toujours aussi vraie. Mais je ne pouvais que l’accepter. La laisser passer. À quoi bon me fatiguer à exprimer ma douleur. Ils me soignèrent une dernière fois, et repartirent. Et moi, je restai sur la table. Sombrant une énième fois. De l’inconscience les yeux ouverts à l’inconscience les yeux fermés…

Je rouvris mes yeux sur une lumière assez vive. Je les clignai plusieurs fois pour m’accommoder à l’environnement. Je n’étais plus attaché. Mes membres étaient libres… Je me relevai lentement. La sensation… Évidemment, Encounter n’était toujours pas présent. Je fis quelques pas, pour me réhabituer rapidement à marcher. Ce qui n’est pas forcément évident lorsque l’on a passé on ne sait combien de temps attaché et torturé jusqu’à ne plus rien ressentir. Je reconnus alors l’endroit : Tsuki, le terrain d’entraînement. Mais quelque chose n’allait pas. Il y avait bien trop de bruit. Je regardai en direction du portail, et de loin, je reconnus… Des caméras. Beaucoup trop de caméras. Des curieux enragés, brûlants de désir de savoir ce qu’il se passait à l’intérieur. Qu’est-ce que c’était que ça… Je relevai la tête : plusieurs hélicos étaient en train de voler. Autour de moi : aucun élève. Pas même Jïnn. J’étais seul. Fronçant les sourcils, je contournai le portail pour me rendre aux dortoirs. Mais en arrivant dans la maison, je constatai un curieux changement : des écrans de télévisions tapissaient les murs. Et dessus, je voyais, de l’œil de plusieurs caméras… Oncle Emilio ? Les caméras l’étouffaient presque, sans la moindre retenue, le pressant de questions à la suite, sans lui laisser le temps de répondre. Le malheureux, au milieu de tout cela craquait complètement. Et ces enfoirés de journalistes continuaient à le filmer de manière malsaine. Je m’étais arrêté devant les écrans… La bouche entrouverte… Qui se déforma, pour...



Je levai mon poing, et l’armai.



Et je brisai l’écran de la télévision en face de moi. Du moins, je tentai. Au lieu d’éclats de verre, ce fut une lumière aveuglante qui en résulta. Je fermai les yeux, pour éviter de les abîmer, alors que tout autour de moi semblait s’estomper… J’entendis un dernier dialogue. De loin encore, mais je tendis suffisamment l’oreille. Un sourire apparut sur mon visage… C’était la fin, j’avais tenu… J’allais revenir à la réalité… J’allais récupérer Encounter, et j’allais revenir. Pour les tuer.

© Eerie Ange's