-Ved ! Dépêche-toi ! Ils ont détruit la forge !
Quoi ? Je voyais Adrian qui me tirait le bras, me criait quelque chose, tandis que des flammes brûlaient tout autour de moi. Je voyais tout flou et j’avais du mal à réfléchir. Je mis plusieurs secondes à me relever et à me rappeler. Je n’eus pas le temps de penser plus longtemps, puisqu’une énorme poutre venait de s’écraser à un mètre de moi dans un craquement d’enfer. Je commence alors à courir, sans réfléchir, juste en suivant mon compagnon, qui me serrait à en couper la circulation. D’autres poutres s’écroulaient du plafond, laissant échapper quelques braises rouges et un bruit sec. Je repensais maintenant à ma sœur.
-Adrian… Où est ma sœur ?
-On a pas le temps ! Cours !
Je ne pus que lui accorder raison, tandis que des coups de feu se faisaient à nouveau entendre derrière nous, suivis d’ordres lancés en russe. Je jetais un coup d’oeil avant de me remettre à courir. Adrian et moi sautions par dessus les déchets flambants, courant le plus vite possible pour atteindre la dernière sortie du bâtiment. Un homme continuait d’aboyer derrière nous, puis nous finîmes par arriver à la porte. Adrian mit sa main proche de la serrure électronique, et se concentra de son mieux pour l’ouvrir le plus rapidement possible. En attendant, je cherchais des yeux un bout de verre, une vitre brisée un un tesson. Quelques morceaux de vitre jonchaient le sol à quelques mètres de moi, reflétant la lumière de la lune. Je les ramenai à moi, puis m’engouffrai dans le couloir que Adrian venait d’ouvrir. Je le doublai alors qu’il tentait de refermer la porte, puis je décidai de prendre le premier escalier en vue, voyant que ce dernier montait. Je sautais les marches 5 par 5, me servant plus de mes bras que de mes jambes, et j’entendais ensuite les pas de mon ami contre ces mêmes escaliers métalliques. Puisqu’une porte se dressait devant moi, cette fois-ci une porte à serrure standard, je mis mon épaule en avant et poussa sur mes jambes de toutes mes forces. Je sentis la porte céder après une violente collision, et je tomba dans la foulée. Je me laissai tomber sur le dos, l’envie d’abandonner à ce moment. Mais à mon plus grand plaisir, un vent frais vint me caresser le visage, alors que la lune se tenait juste en face de mes yeux, haut dans le ciel noir. Je respirais violemment, et un sourire se dessinait sur ma face, suivi d’un rire nerveux. Du coin des yeux, je vis Adrian refermer la porte et la sceller. Il se laissa tomber sur les genoux, puis mit les mains au sol, bras tendus, parallèle à moi. Il se mit à rire également.
Je me relevai, lentement, avant de lui proposer mon bras, à mon tour. Il le saisit, et je le relevai, puis nous nous dirigeâmes vers le bord du bâtiment de fer et de feu. Je fus saisi d'une excitation, le danger de la situation et le haut-le-coeur qui suivirent après avoir vu la distance du sol m’emplissaient d’adrénaline. Sans réfléchir, je sautai, suivi aussitôt de mon compagnon. Quelques sacs de poubelle noirs amortirent ma chute, qui me semblait interminable, puis je me mit à courir le plus loin possible de cet enfer. Une forêt noire m’invitait, à quelques centaines de mètres, et je ne pouvais me permettre de refuser. Je couru, et couru, sans même plus faire attention à mon dos, sans plus penser à autre chose que ma propre survie. Voilà que je m’enfonçait dans cette forêt de sapins, provoquant quelques craquements à chaque pas, apeurant quelques oiseaux nocturnes au passage.
Au bout d’un moment, je finis par m’arrêter. J’avais couru tellement que je ne pouvait dire combien d’heures s’étaient écoulées. Je me laissa tomber sur un lit d’herbes et de branches mortes. Je n’entendais plus rien que la nature. Je sentais mes forces me quitter, et le ciel commençait à rosir. Je me rendis compte que je tenais toujours le carreau brisé fermement, et que je saignais à flots. Je le laissai tomber, et tenta de bander ma main avec ma veste légère. J’avais perdu trop de sang et d’énergie. Je laissai partir mon esprit, et m’endormis là.

4 mois plus tard.

Adrian me servait un café, bien à l’aise au fond de notre fauteuil. Deux autres « mutants » s’étaient installés avec nous. Comme tous les jours, je repensais à ma sœur, et aux autres, qui avaient probablement péri dans l’explosion de l’usine. Cette usine nous servait de refuge depuis plusieurs mois. J’étais dans cette pièce qu’on appelait « la forge », quand je les avais vus pour la dernière fois. Les hommes en uniformes noirs étaient apparus sans prévenir, 3 jours avant le raid que nous avions anticipé. Personne n’était prêt, et beaucoup sont morts là. Mais après tout… Les autres, je ne les ai pas vu mourir. Qu’est-ce qui m’empêchait de croire que ma sœur était encore en vie ? Je me remémorais ce jour, à mes 11 ans, quand j'avais découvert mon pouvoir après avoir cassé une vitre en jouant avec elle...
Puis Armine, l’un des deux mecs qui vivaient avec nous, ouvra la porte avec une mine inquiète, me sortant de mes pensées. Il tenait en main une lettre. Cette lettre m’était adressée. Elle parlait d’une académie en Angleterre… C’était une invitation !
- Les hommes nous ont retrouvés ?
Demandai-je.
- Cachez-vous, je vais faire le tour de la maison. Échappez-vous si vous m’entendez crier.
Je n’eus pas le temps de retenir Adrian, qui était déjà sorti, son téléphone portable à la main.
Je me dirigeai jusqu’à la bibliothèque, en saisissant une bouteille vide au passage. J’étais prêt à sauter par la fenêtre à tout moment. Après une dizaine de minutes d’inquiétude, Adrian finit par se montrer, anxieux. Rien. Je repris la lettre et la lu attentivement. Cette histoire d’académie serait-elle vraie ? Une école pleine de mutants ? Comment un tel endroit pourrait-il rester caché au monde ? Et… Et si ma sœur était là-bas ? Cette idée ne put ressortir de ma tête durant les jours qui suivirent. Rien ne se passait. J’y croyais de plus en plus. Ais-je le droit de laisser Adrian ici ? Je ne voulais pas y penser. Maintenant, j’étais rempli de cette unique envie. Je ne désirais plus que ça. Partir.

Un soir, alors que mes colocataires s’étaient endormis, je me décidai à boucler valise. J’emportai avec moi quelques affaires utiles, et m’enfuis de la maison. J’espère qu’il ne m’en voudra pas trop.
Je pris plusieurs véhicules, et il ne me fallu que deux jours pour atteindre Thouhills, la ville qui abritait soi-disant l’académie Tsuki. Je pris une grande inspiration, puis commença à marcher à travers les rues déjà sombres de la cité. Je me concentrais pour me rappeler de quelques phrases d’anglais utiles.
J’inspirai un grand coup, puis souffla. Go !