Le fameux carnet pourpre

My Forever Sorrow

“Le bonheur en partant m'a dit qu'il reviendrait” - Jaques Prévert

Ce matin, je suis arrivée à cette stupide académie. Ce matin, j’ai définitivement perdu toute chance de te revoir avant plusieurs années… Je ne veux pas de ça ! A chaque fois que je ferme les yeux, je te vois, enfermé, battu, saignant. J’ai peur… J’ai tellement peur de tout ce qu’il pourrait t’arriver… Tu as fait de ma vie un rêve alors… Alors je t’en prie, cesse d’en faire un cauchemar… Je suis tellement désolé de m’être levée juste pour me plaindre et t’appeler encore, mais je n’en peux plus… Je vais mourir ! Je ne pas te survivre ! Depuis l’instant où tu m’as dit ton nom, tu m’as enchaîné à ta vie… Je ne veux pas passer une autre seconde sans toi ! Je t’en prie ! Je t’en prie ! Je ne veux pas… Mon cœur saigne et toute la douleur du monde ne suffirait pas à décrire ce que je vis loin de toi… J’ai envie de m’attacher à ces barreaux de fer et pleurer, et t’appeler, et hurler toute ma peine… Mais ce serait injuste, alors je vais rester ici et boire un thé insipide en me rappelant de toi autant que je le peux… Je ne veux pas lâcher ton souvenir, pas un instant, ou bien il risque de s’effacer… Je dois te parler, te voir, t’entendre… Peut-être veux-tu que je te parle de tout ce temps, ce temps trop long, passé sans t’écrire ? Je t’ai écrit quelques mots dans la nuit, avant de devoir préparer mes bagages. Le lendemain, j’ai préparé ma valise. Si tu  avais vu comme elle est grande ! J’y ai mis tout un tas de chose, mais je pense qu’une liste t’ennuierait beaucoup… Je suis partie peu de temps après. Le trajet a été infiniment long, et tatie m’a abandonné sans me laisser le choix devant ce château du malheur. Quand je suis arrivée, un homme à canne s’est amusé à me frapper un peu, puis des gens m’ont manipulé comme on manipule une poupée. J’ai eu si peur ! Je voulais seulement m’en aller, ou au moins rester seule, mais il y avait tant de monde, tant d’agitation… Ils ressemblaient à tous les autres, aux personnes tristes qui se servent de moi… Tu m’as manqué d’avantage quand ils me tourmentaient… Mais ne parlons pas de cela ! Je vais finir par te rendre triste ! J’ai rencontré un homme très sympathique à mon dortoir… Il est aveugle alors, il ne ressent pas mon pouvoir… Quand tu viendras me voir, je te le présenterais, ça te va ? Je t’écrirais encore plus tard dans la nuit, je vais prendre un peu l’air : le règlement ne m’empêchera pas de respirer !

Codage par Libella sur Graphiorum

Une nuit dans les jardins

“J’étais si près de toi que j’ai froid près des autres” – Paul Eluard

Le jour pointe presque, je suis tellement désolée, Roydon, de t’avoir laissé ainsi au silence de la nuit. L’encre luit à la bougie, je sais que tu ne peux pas le voir, mais j’espère que cette lumière t’atteint tout de même, où que tu sois : je sais que tu as toujours voulu allumer les lumières, la nuit, pour être sûre de voir ce qui pourrait t’arriver. Je ne sais pas s’il sera intéressant d’avoir ces informations, mais tante Shirley insiste pour que je t’écrive un maximum -elle a très peur pour toi, comme nous tous. Alors laisse-moi te raconter mon étrange nuit.

Vagabonde, je me suis échouée lentement jusqu’aux jardins. Mon cœur et mon esprit près de toi, je n’ai pas vu l’obstacle qui m’a fait chuter sur ce jeune homme, dans la verdure de la cour, dans l’intimité de la lune. Il ne m’a rien fait, il semblait simplement troublé par ma présence… c’est le même que ce matin, au portail ! Il avait usé de sa canne pour me frapper, alors un surveillant l’avait cruellement brisé devant ses yeux. Je ne veux pas t’ennuyer avec ce qui s’est passé à ce moment… tu as bien assez de problème pour toi. Je vais plutôt te le décrive ! Peut-être pourras-tu te le figurer.

Il n’est pas bien grand, peut-être petit même et ses cheveux sont aussi noir que l’ombre. Il a les yeux de la mort, de la souffrance, le même regard que tes yeux de sang, mais ils ont une couleur plus sombre, plus commune aussi. Oh ! Et, il est très maigre, trop maigre, tant qu’il semble ne se nourrir que sa douleur qu’il semble cultiver aussi bien que Tante Shirley cultive les jalousies dans la fratrie. Il est impressionnant… il y a cet aura autour de lui, cette chose qui me dit qu’il est spécial, qu’il a lui aussi quelqu’un qui lui manque, un morceau de lui, comme tu l’es pour moi.

C’est bizarre mais il m’a donné l’impression face à un reflet, un reflet spécial, un reflet qui ne te reflète pas. Il est… il souffre tellement… et il ne voulait rien dire sur lui, il était si mystérieux… je me demande si on se reverra, un jour ! Mais je ne pense pas, malheureusement... il s'est enfuis si vite ! C'était brusque... Je... Je l'ai dérangé dans son repos alors que son cœur était en peine... je t'en supplie Roydon, pardonne-moi... je ne veux pas que tu m'en veuilles, cela me ferait trop de mal, beaucoup trop de mal... c'est déjà si dure d'être dans cette académie alors que tu es loin, avec Tatie. J'espère que tu m'écriras, un jour, que je pourrais toucher le même papier que tu auras touché avant moi... j'en frisonne !

Ah ! Quel malheur, je suis à la fin de ma page… Attends une seconde que je te rédige la page suivante et elle arrivera, ne t’en fais pas trop…

Codage par Libella sur Graphiorum

I Miss You so Mush

“J’entends ta voix dans tous les bruits du monde” – Paul Eluard

Je lui parlais, j’espérais peut-être l’aider… tu m’as dit un jour que je pensais tes blessures, alors j’aurais bien aimé l’aider à soigner les siennes… pourtant, il n’avait pas l’air si réceptif… peut-être qu’il me déteste, ou qu’il me prend pour une folle. Après tout, si quelqu’un d’autre que toi voulait s’approcher de mon cœur, j’en fermerais aussi les portes, sans doute. J’aimerais pouvoir voir tes yeux en te parlant… ça fait trop longtemps… je ressens chaque mètre comme un coups de marteau supplémentaire chaque seconde que je passe si loin de toi. Le sais-tu, comme tu me manque ? Ton absence m’est insupportable, c’est comme si je me noyais, comme si tout l’air du monde était parti en Allemagne avec toi, que je respirais des gaz toxiques qui me détruisaient de l’intérieur, que tu étais mon seul remède… j’aimerais arrêter toute cette souffrance, amener ma main à ta joue froide, laver ton visage, coiffer tes magnifiques cheveux roux. Je veux me noyer à nouveau dans le sang de tes iris, voyager dans les veines parcourant tes bras, sentir à nouveau ce contact puissant et salvateur, sentir ton soutient dans l’expiation de mes pêchés. Je veux revivre ces jours, ces nuits, toutes ces minutes passées avec toi encore et encore, sans jamais m’arrêter… Je veux recommencer ces souffrances délicieuses, dans tes bras. C'est frustrant d'être là, entre ces murs, avec seulement ce cahier et ces souvenirs... quand je l'ai vu, souffrant... enfin... me pardonneras-tu seulement ? Je penses que je devrais m'infliger les punitions, en ton absence... mais j'ai peur de faire une erreur... Mais revenons à cette nuit, veux-tu ? Il est inutile de te blesser avec mes plaintes, rien de tout ça n’est de ta faute, au fond… ce que je voulais te raconter, ce qui a tellement de mal à s’imprimer sur ce papier imbibé de larmes, de milles souvenirs, c’est qu’il a disparu, sans crier gard, dans la nuit. Son téléphone a émis un son et il s’est volatilisé, simplement, sans même me dire son nom… je… en le voyant j’ai cru trouver enfin une personne cohérente, quelqu’un qui aurait pu nous ressembler, un peu, mais la nuit l’a dévoré… je ne sais plus quoi penser… je pense que j’ai mal… mais est-ce normal ? Nous n’étions pas vraiment amis, mais nous aurions pu l’être, et il m’a fui… j’ai envie de le chercher, de lui demander des explications, ou son nom, mais est-ce bien ? Je ne sais pas ce que tu m’aurais dit de faire, je ne sais plus, ta voix s’efface, elle se fond dans le brouhaha de mon esprit. Je ne veux surtout pas t’oublier mais tout est trouble dans ma tête… Je vais retourner sous mes draps, je te retrouverais à l’heure du petit déjeuner si je n’ai toujours pas faim. J’espère de tout cœur que tu te reposes bien, mon cousin adoré. Sache que je t’attends, alors tâche de vivre…

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Une tasse de thé

“Il est grand temps de rallumer les étoiles” – Guillaume Apolinaire

Je me suis servie un thé, ce matin, alors que le soleil commençait tout juste à emplir ma chambre de lumière. Cette maudite chambre vide… Je souhaitais le boire… pourtant, quand je me suis penchée vers la tasse de porcelaine et que j’ai vu ton visage… j’ai… tout s’est arrêté. J’étais figée devant cette image de toi. J’entends ta voix dans tous les murmures du monde ! C’est comme si tu n’étais jamais tombé, que je n’étais jamais partie. Je t’entends et je te sens, contre moi, dans chaque battement de mon cœur. Alors quand j’ai vu cet œil rouge devant moi, cet œil qui me fixait, j’ai simplement fui. Agir si brusquement a renversé tout le thé sur mon bureau et j’ai dû tout éponger. J’ai eu si peur que ce carnet soit abîmé ! Puis je me suis souvenue qu’il ne craignait rien, de toute façon. Je ne peux plus boire, tant te voir me déchire. Chaque fois que l’univers m’envoie ton souvenir, il m’envoie ta peine, la peine de t’avoir perdu, ce moment où tu t’es effondré, où tu t’es quitté, où tu m’as quitté, où tu nous a quitté, où tu as tout quitté. Je ne peux pas l’effacer, c’est là, sous chaque centimètre carré de peau, dans chaque souffle, dans chaque goûte de mon sang, tu es là dans chaque seconde de ma vie parce que j’ai tout pris de toi et ce souvenir, ce malheureux, douloureux, affreux, délicieux supplice que font toutes ces images, c’est devenu une part de moi. Tu es devenu une part de moi. Les mots que tu as prononcés, tout ce que tu as pu faire, dire, penser, laisser paraître, ça me montre le chemin, tout ça fait tout ce que je deviens. J’ai envie d’être ton reflet parce que comme ça tu seras à nouveau. Je ne veux pas te perdre ! Reviens-moi, je t’en supplie… chaque minute je me souviens de notre séparation comme d’un couteau qu’on enfonce dans ma chair, dans mon cœur, dans mon âme. Jamais je ne cicatriserais, jamais seule. J’ai besoin de toi, du toi physique, du toi qui me parle, qui me regarde, qui me prend dans ses bras. Je ne veux pas d’un reflet ! Je te veux, tout entier, mon amour. Je t’aime.

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Who Am I ?

“Après c’est trop tard, et crois-moi, trop tard c’est très vite” – Marie Desplechin

J’ai mangé ce repas insipide qui dans ma gorge s’est fondu sans jamais me donner de saveur, c’était comme si je mangeais du sable, comme si mangeais un air qui s’en allait : ça me brûlait, ça me déchirait. Si je mange, c’est que je vis. Si tu n’es pas là, je ne saurais vivre, je ne devrais donc plus manger et pourtant je désobéis mais pourquoi ? Pourquoi manger si tu ne peux être là, avec moi, pour que cette énergie que j’amasse aie un sens ? Cela n’a aucun sens. Elle n’a aucun sens. Je ne vis plus, je ne bouge plus, je ne ressens plus rien d’autre que toi. Je ne veux rien ressentir d’autre. Je ne veux pas avoir à user de toute ces choses vitales s’il m’en manque plus. On ne mange plus si on a plus d’air, alors pourquoi manger s’il me manque tout ce qui fait que je peux exister ?

Tout est vide désormais et la seule chose qui saurait se remplir c’est mon cœur, qui se remplirait d’amour pour toi. Alors pourquoi, comment ? Comment être ? Je ne suis que le reflet d’un amour qui ne trouve ni attache ni repère, je ne suis que le reflet de ton visage éternellement triste, éternellement perdu. Je ne suis qu’une ombre, une pensé, un songe perdu, éliminé, un papier froissé que seul toi saurait lisser. J’ai l’égoïsme de te vouloir pour moi mais pas la patience de t’attendre. Chaque minute je me meurs. Chaque instant je me perds. Chaque seconde je te vois, je te sens, je m’adore à te contempler, simplement, dans mon esprit. Et chaque fois je me hais de ne savoir comment t’atteindre.

J’aimerais que mes mots te caressent et que cette sensation me donne un sens, me fasse devenir quelque chose, quelqu’un que l’on peut sentir, aimer, adorer. J’aimerais que tu me donnes un sens.

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Les bras de l’ange

“Un homme est bien fort quand il s’avoue sa faiblesse” – Honoré de Balzac

Les cours d’aujourd’hui, comme la vie depuis ton départ, étaient insipides, voir douloureux… je suis restée là, assise, lasse, à copier mes leçons, à feindre d’écouter des choses qui ne semblent plus avoir de sens. Je n’ai plus de père. Je n’ai plus de mère. Je n’ai plus de cœur. Pourquoi le monde devrait-il avoir un sens ? Pourquoi tout cela ne pourrait pas être un cauchemar ? Je veux m’endormir pour une longue nuit ce soir, une nuit avec toi, avec ton esprit, nos âmes entremêlées. Ainsi, nous ne serions qu’un à nouveau et pour rien au monde je ne voudrais être réveillée… prends moi la main et offre-moi ce sommeil de la délivrance. La mort m’appelle plus que le dîner, que n’importe quel chose qui m’évoquerait la vie.
Je veux te voir, t’entendre. Je veux me prouver que je tiendrais, que je survivrais jusqu’à ce que tu me reviennes. Parce que je t’aime. Parce que tu es mon monde. Parce que tu es ce qui me fait être.
Pourquoi personne ne peut le comprendre ?

Te souviens-tu de ces nuits de cauchemar, après le départ de maman ? Te souviens-tu de ces nuits d'errance où Tatie me regardait, immobile ? Je souffrais comme aujourd'hui, moins sans doute... tu es venu à moi et tu m'as pris dans tes bras, un soir. Nous avons parlé, j'ai pleuré, tu as ri et jamais plus je n'ai peiné à dormir auprès de toi. Je dormais dans tes bras, contre ton coeur qui me berçait et cela me faisait tant de bien... ça me manque. A l'occasion, voudras-tu venir me border ? Tu me manques, Roydon, tu me manques comme rien ne m'a jamais manqué, plus que l'on ne peut le supporter. Mais je vais t'attendre ! Prends simplement garde à ne pas que je me brise en chemin...
Je t'embrasse et te laisses à ton sommeil, pourvu qu'il soit beau.

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Broken

“Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par la nuit” – Khalil Gibran

Tu comprends, toi, pas vrai ? Tu es d’accord, toi, pas vrai ? Tu changeras tout ça, toi, pas vrai ? Je n’en suis pas sûre… tu m'as offert ton cœur et j’ai réduis le mien en cendre… j’ai eu ton corps entre mes mains et désormais il ne fait plus le pont avec ton âme. Je t’aime Roydon. Je t’aime comme je n’ai jamais aimé ! Je t’aime, certes, mais j’ai peur… tu es loin et je suis seule et j’ai mal et je suis brisée et tu es absent et je ne sais pas quoi faire. On me dit de te parler, que ça te ramènera… j’ai mis une éternité à admettre que tu n’étais plus là, à me prendre dans tes bras, et une autre à te l'avouer à toi. Je ne peux pas te mentir alors…. Alors tout ça doit être réel… et tu n’es pas revenu, au final.

Peux-tu me dire de quoi est fait demain ? Ce que je vais faire ou devenir ? Tu n’es plus là… il me manque toute une part de mon être… j’étais devenue mon père et je n’étais que ça… tu es venu et tu as créé tout un monde dans mon cœur, un monde pour toi. Tu es parti. Je n’ai plus un vide immense et impossible à faire disparaître, mais deux. Je n’ai pas un être que j’aime de tout cœur et qui me manque à m’en déchirer l’âme, mais deux. Je n’ai pas une phrase en tête d’une personne chère qui a détruit tout ce que j’étais et fait de ma vie un enfer, mais deux. On a tous une raison de se sentir mal, sans doute. Et bien j’ai deux raisons des mourir.

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Paradis brisé

“Ne prenez pas la vie au sérieux, de toute façon, vous n’en sortirez pas vivants” – Bernard Le Bovier De Fontenelle

Je ne peux pas rester ici, immobile. Je ne peux pas laisser cette pièce vide. Je suis dans un palais, dans une chambre de princesse, à me vêtir, à vivre comme si tu n’étais parti que pour quelques instants. Je dois admettre la vérité : tant que je n’aurais pas de visage, je n’aurais pas d’être.

Je vais sortir, aujourd’hui, acheter quelque choses, masquée. Je te promets de revenir rapidement, de te garder dans ma veste, contre mon cœur, avec maman. Je te promets de faire tout ça aujourd’hui, d’être sage, de ne pas me tromper. Tout cela est mon monde, désormais, puisque Tatie m’a abandonnée à son tour. Alors, si c’est mon monde, je devrais le mettre à mes couleurs… et tu seras avec moi pour ça, à travers ce carnet. Je t’écrirais toujours, je te le promet.

Mais aujourd'hui, tu vas devoir attendre contre mon coeur.... parce que je dois sortir... et aller en cours...

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Sometimes you have to flee love to flee tears

“On devrait toujours être légèrement improbable” – Oscar Wild

Je suis rentrée, j’ai troqué mes gants de velours contre des gants de dentelle. Elles sont blanches, aujourd’hui, et douces. Je porte une tenue bleue, avec un joli flot que tu m’as offert. J’ai même pris une photo de moi, pour me voir… j’ai dû en prendre plusieurs, pour bien me coiffer. L’encre avec laquelle je t’écris aujourd’hui est neuve. Je l’ai vue ce matin à la papeterie, et je me suis dit que tu trouverais cela amusant que je t’écrive avec des choses d’ici.

Je crois que c’est bien, que je commence en retard, ce matin, au final. J’ai pu t’acheter de l’encre et quelques fournitures pour refaire ma chambre. Je n’ai pas école après 14h, je t’écrirais donc dés que ce sera fini, d’accord ? Je te raconterais mes cours de l’après-midi, et je te dirais comment ça va, ici.

Ce midi, il y avait du poulet au menu. J’en ai mangé deux fourchettes. J’ai dû utiliser un Goblet à capuchon pour ne pas me mettre à pleurer… j’adorais ce pouvoir, quand tu me tenais la main. C’est étrange, maintenant, de te voir dans mon reflet… ça me tord le cœur… je ne veux pas que le thé me punisse, Roydon, je veux t’attendre. Tatie m’a dit, avant de partir, qu’après deux mois, je devrais commencer à tourner la page. Je lui ai dit que chaque jour où j’ouvrais et fermais ce livre, je resserais ce lien et que le temps ne le détruirait pas… j’aimerais tant savoir si j’ai bien fait. Quand tu te réveilleras, j’aimerais que tu m’écrives, même si c’est égoïste…

Je dois aller à l’école alors… à plus tard, Roydon.

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La triste fin de la solitude

“L’impossible, nous ne l’atteignons pas. Mais il nous sert de lanterne” – René Char

Je suis bien rentrée, les cours étaient très ennuyeux et j’ai fait une petite fresque sur mon mur. Mais, tu verras, toutes ces choses te sembleront, comme à moi, bien ennuyeuses dans un instant, alors que je te parlerais de Miyu Ichii. Ce nom ne doit rien te dire, parce que, d’une part, je ne te parle de personne et, d’autre part, elle vient d’arriver à Tsuki. Elle vient du japon !

J’avais refait la chambre et je ramassais mon matériel qui traînait quand, soudain, j’ai reçu un violent coup sur la tête et j’ai mis quelques instants à comprendre : la porte de ma chambre s’était ouverte. Tu n’es pas sans savoir que la solitude d’une chambre m’était plaisant. Seulement, j’ai été au regret de déplorer l’arriver d’une nouvelle Saphire à Tsuki, et donc de devoir partager ma chambre. Elle n’était pas si atroce, cependant. Physiquement, elle est mignonne, un peu comme un grand enfant. Sinon, elle est aussi très polie et très courageuse, au-delà de ses apparences.

Pour elle, je suis Gentaro, son grand-frère. Tu dois imaginer son étonnement quand elle m’a vue dans ma grosse robe ! Mais elle s’est très vite accoutumée et à décider de redoubler d’effort pour me prendre pour « Sally Whispers » et me traiter comme l’inconnue, la future amie que devait être sa camarade de chambre. Tu imagines ? Sa futur amie ! Je suis partagée entre la crainte d’être trahie ou la joie d’avoir un être palpable, vivant et en pleine santé à mes côté pour me soutenir… bien qu’elle ne remplacera jamais le moindre mot que tu pourrais me faire parvenir…

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Smile Down

“Ne pleure pas parce que c’est fini, souris parce que c’est arrive” – Dr. Seuss

La peur a finalement dominé et, après un lourd effort pour supporter son regard étrange et son comportement tout aussi étrange, j’ai fuis. J’ai alors songé qu’il serait bon d’être sérieuse et de m’affairer à mes devoirs. Je ne sais pas quand je te reverrais, mais je suis certaine que tu préféreras une Sally accomplie, non ? Enfin bon, je m’égare. Je n’avais pas prévu de rouvrir le carnet magique avant ce soir, histoire de te créer une routine, de t’aider à savoir quand tu auras de mes nouvelles. Seulement, là, j’ai été partagé entre cette promesse faite à moi-même d’être régulière et la triste surprise que j’ai trouvé, dans mon casier. Tante Shirley a un sens de l’humour assez singulier…

J’ai pensé, après tout, que, si je recevais quoi que ce soit, tu devais en être informé au plus vite. Alors voilà… je tourne autour du pot depuis un moment : Tante Shirley m’a écrit. On a déposé la lettre dans mon casier et je la tiens là, face à moi, alors que je t’écris. C’est étrange… j’ai peur. Je n’ai pas réussi à offrir à ta mère le moindre sourire depuis… ce jour. Depuis que tu es en Allemagne, je ne peux m’empêcher de lui vouer une guerre sans merci, comme si tout était de sa faute. Et elle a finalement rendu les coups : elle m’a expédiée ici, perdue, loin de la maison, dans une ville gigantesque, dans un château. Quand j’ai vu ma lettre glissée, entre mes livres, j’ai fermé les yeux et, un instant, j’ai vu sa main, dans mon esprit, écrire à la hâte sur un vieux papier. J’ai peur, Roydon, si tu savais comme j’ai peur. Et tu dois comprendre, je suppose…

Ma tante n’a jamais été une femme d’une tendresse exceptionnelle, si ce n’est pour toi et moi. Seulement, depuis ton départ, je la trouve plus dure, plus terrible. Je n’aurais jamais pensé qu’elle puisse m’écrire, encore moins au bout de trois maigres jours. Je m’étrangle. Je panique. Je ne sais pas quoi penser. Penses-tu un instant que ma tante pourrait… enfin que tu pourrais… ne viendrait-elle pas elle-même ? Elle ne me dirait pas par courrier, n’est-ce pas ? Elle… enfin… j’espère que tu vas bien, que rien ne s’est compliqué. Si un miracle s’est produit, si tu t’es réveillé, sache que je t’attends et que je me tiens prête à te rejoindre. Je t’aime.

Codage par Libella sur Graphiorum