J'ai grandi en l'absence de mon paternel , trop occupé à travailler , trop occupé à voir des femmes , ou bien peut-être trop fier d'avoir eu un enfant avec celle que j'appelais encore maman. Qui sait ?

Son absence ne m'a jamais dérangé , comment ressentir le manque de quelque chose que vous n'avez jamais connu ? Ma mère m'a élevé seule , ou du moins , essayé. J'ai grandi dans un univers exclusivement féminin , entouré des robes et du maquillage de ma mère , des émissions qu'elle regardait , des boutiques qu'elle voulait visiter , des livres qu'elle voulait m'acheter. Peut-être que si j'avais eu accès à autre chose , je ne serais pas devenu ce que je suis maintenant. Ne croyez pas que je suis en train de me plaindre , j'adore la personne que je suis , mais parfois je me demande comment mon enfance se serait déroulée si j'avais été différent. Je crois que j'ai eu l'autorisation de mettre ma première robe à l'école à l'âge de six ans , inutile de vous dire que ça s'est très mal passé. Les petits garçons se moquaient de moi , les petites filles elles me lançaient des regards que je ne comprenais pas à l'époque , était-ce du dégoût ? Maintenant que j'y repense, je pense bien que oui.
J'ai pleuré , tout le long du retour jusqu'à ma maison , je voulais me jeter dans les bras de ma mère , avoir du réconfort , je l'ai cherché partout , dans toutes les pièces de la maison , je ne l'ai jamais retrouvée.

Alors je suis monté dans ma chambre , je me suis caché sous ma couverture , et j'ai pleuré un petit peu plus , j'ai serré mes mains contre mon cœur , et j'ai prié pour que le chagrin disparaisse. Je ne sais pas si j'ai été entendu , mais mes mains dégageaient une petite lueur , faible , dorée , mais bien présente , mes pleurs ont de suite cessé , et la lueur avec.

« C'était .. de la poussière de fée. »

C'est ce que je me suis dit , peut-être que je venais de lire Peter Pan , je ne me souviens plus très bien , tout ce que je sais , c'est que je n'ai plus revu cette poussière de fée , pas avant des années.

En revanche , j'étais motivé , je me suis promis de redoubler d'effort , d'affronter mes camarades , de ne plus laisser les moqueries me toucher.
Ma mère est revenu le lendemain , elle ne s'est pas excusé , elle ne m'a demandé non plus si tout s'était bien passé , elle a juste tapoté ma tête , et puis est partie se coucher. Je ne lui ai jamais parlé des moqueries , ni de la poussière de fée. Tout simplement parce qu'elle ne m'écoutait pas.



Le temps a passé , et me voilà à treize ans , toujours à porter des robes de princesses , toujours à recevoir des moqueries , mais j'ai aussi trouvé des amis , des personnes formidables m'acceptant , m'aidant à avancer et me sentir bien.

« Je ne suis pas une fille , il ne faut pas être une fille pour mettre des robes , si ? »

Je crois que c'est la phrase que j'ai dû dire le plus souvent aux abrutis qui n'avaient visiblement rien d'autre à faire que de se moquer des autres. C'est aussi ce que j'ai dit à l'homme que ma mère avait ramené à la maison.


« Mei , je te présente John , c'est un très bon ami de Maman , soit gentil avec lui , d'accord ?

- Mei , c'est un joli prénom pour une demoiselle , non? »

Alors je lui ai dit , dit qu'il se trompait , dit exactement la même chose qu'à ses abrutis , et son regard à changer , de la haine ou du dégoût , peu importe , je crois bien que c'est la première dispute à laquelle j'ai assisté. Ma mère a tenté de le calmer , tout ce qu'elle a gagné , c'est une gifle , et moi des insultes , la plupart que je ne comprenais pas encore.
J'ai couru , et je me suis enfermé dans ma chambre , j'ai pleuré , jusqu'à ce que mes yeux soient rouges et gonflés , puis j'ai serré mes mains contre mon cœur. C'est alors que la poussière de fée revint à moi , pour la deuxième fois , bien plus scintillante qu'à l'époque , je suis resté là , observant cette lumière qui, sans que je le remarque , m'avait déjà apaisé , la poussière de fée, c'était mon pouvoir à moi , tout ce qui pouvait me réconforter.


Ma mère est venue me voir plus tard dans la soirée , elle s'est excusé pour ce fameux John , elle m'a dit que ce n'était pas de sa faute , qu'il ne fallait pas être fâché contre lui et que Maman l'aimait beaucoup.

Quand on aime , on pardonne, hein ?



Le temps a passé , j'ai maintenant dix-sept ans.


J'ai dû arrêter l'école , et aller travailler pour pouvoir supporter financièrement ma mère et son "ami". Ils vivent tous les deux à la maison , et sont tous les deux sans emplois , quand je quitte la maison , ils dorment encore , lorsque je rentre du travail , ils sont devant la télévision , cette fichue télévision qui fonctionne à longueur de journée , le volume au maximum , dès que je l'entend , ça me donne des migraines.
J'ai dû quitter mes amis , tout ce que je connaissais , pour faire vivre cette femme et cet homme. Depuis combien de temps je ne l'ai pas appelé maman ? Je me le demande bien, les disputes sont fréquente , mais j'y suis habitué , dès qu'elles commencent et que je suis présent , je monte dans ma chambre , et j'observe ma poussière de fée , elle est tellement apaisante, je crois que c'est tout ce qui m'apporte un peu de joie dans ma vie. Je pourrais la regarder durant des heures , mais j'en m'endors toujours sans raison lorsque j'essaye.


Un soir , alors que je rentrais du travail , j'ai décidé de vérifier notre boîte aux lettres , comme ils ne sortaient jamais de la maison , c'était à moi de récupérer le courrier , bien qu'il ne soit pas pour moi.
Sauf que ce soir là , il n'y avait qu'une lettre , une lettre à mon nom , qui pouvait bien m'écrire , moi je ne connaissais personne. Alors je suis directement monté dans ma chambre en ignorant les cris au rez-de-chaussée.
J'ai ouvert la lettre que j'ai lue attentivement , j'étais .. perplexe, oui, un endroit pour les gens comme moi ? Qu'est-ce que ça voulait dire au juste? Académie Tsuki , je n'en avais jamais entendu parler , la lettre semblait promettre un vrai conte de fée , moi j'ai simplement pouffé, et je l'ai jetée sur mon bureau sans y porter plus d'attention. Voyez vous , j'aime les contes de fée , mais je sais très bien que ma vie n'en sera jamais un , et que les gens comme moi , peu importe ce que cela veut dire , n'ont de place nul part.




Je me souviendrais toujours du jour ou je suis rentré pour trouver ma mère à genoux au sol , dans un véritable bazar , tout avait été jeté , cassé , et elle pleurait toutes les larmes de son corps. Je me suis précipité sur elle pour essayer de comprendre , mais la furie ne voulait pas coopérer.


« Il est parti ! Je ne suis plus rien sans lui , qu'est-ce que je vais devenir! Je n'ai plus personne maintenant  .. C'est de ta faute ! Pourquoi est-ce que tu es différent ! Pourquoi est-ce que tu n'es pas une vraie fille ! »

De la haine et du dégoût , c'est tout ce que j'ai vu dans le regard de ma propre mère. Ma mère qui a quitté la pièce sans jamais se retourner sur moi. Je suis resté là , à genoux , regardant les débris de verres.

« Mais maman .. Moi je suis là. »


Ce que j'étais loin d'imaginer , c'est que ça serait la dernière fois que je verrais ma mère , j'ai ouvert la porte de sa chambre le lendemain , mais elle n'était pas là , ses affaires n'étaient pas là non plus. Elle m'a abandonné pour , je suis sûr , aller le retrouver. Je n'étais pas triste , non , j'étais juste .. vide. Je ne savais pas quoi ressentir à ce moment précis , de la haine ? De la tristesse ? De la colère ? Je n'en savais rien , un abandon , c'est quelque chose de douloureux , mais je crois que j'avais déjà compris que ça faisait plusieurs années qu'on m'avait abandonné.
Je me suis assis sur mon lit avec ma poussière de fée , et j'ai pensé.

« Et maintenant ? »

Et maintenant quoi , où aller ? Que faire ? Tant de questions auxquelles je n'avais pas encore de réponse .. Mais la réponse était juste devant moi. J'ai observé la lettre qui avait légèrement pris la poussière, puis je l'ai lue une seconde fois.

« Un endroit pour les gens comme moi.. »

Pour la première fois depuis longtemps , je crois bien avoir souris , un nouveau chapitre s'ouvrait à moi , une seconde chance , une opportunité d'enfin devenir ce que je voulais être , d'être accepté , d'être vivant.