entretien d'orientation avec Dihce [No-MJ] (PV Dihce)

Iel aurait souhaité disparaître, en cet instant. Ou être invisible. Iel craignait véritablement le jugement de Sydney qui était une adulte. Si ça avait été une personne de son âge ou même un autre élève, ça ne l'aurait pas tant impacté ou intimidé. A la place, iel en était au stade de baisser la tête et d'espérer que sa scolarité ne serait pas fichue parce que Sydney Sievers, conseillère d'orientation, l'aurait trouvé trop étrange, ou trop instable ou même, allez savoir, arrogant ou on ne sait quoi. Au lieu de ça, Dihce écouta le fauteuil de Sydney jouer sur ses roues, puis un tiroir s'ouvrir et enfin le bruit mat et sourd du verre qui se pose sur le bois. Quand Sydney repris la parole, ce ne fut absolument pas pour quelque chose de mal ou pour exprimer un jugement. Non. C'était pour lui proposer des "douceurs".

Dihce releva lentement la tête et observa le pot à confiture rempli de bonbons sans vraiment comprendre ce qu'iel voyait. Et pour cause. On ne lui avait jamais proposé de sucreries de sa vie. Ses parents ne lui en avait absolument jamais acheté, ni donné. Même pas du gâteau ou des biscuits. Iel se rappelait qu'à l'école primaire, les autres enfants se moquaient souvent d'iel parce qu'iel n'avait jamais de goûté. Les seules choses sucrées auxquelles iel avait eu droit jusque là étaient des fruits. Iel ne s'en plaignait pas, non. Ne connaissant rien d'autre, ça lui allait très bien. Iel aimait beaucoup les clémentines, les pommes... Une fois, sa mère avait rapporté des mangues d'un voyage et iel avait apprécié l'odeur. Bon... Comme souvent, iel n'avait pas eu le droit d'y goûter. Comme pour le thé... On ne donne pas de confiture aux cochons. Par conséquent, Dihce ne saisissait pas que ces jolies petites choses brillantes se mangeaient et étaient doucement sucrées. Iel n'y toucha donc pas et observa éberlué Sydney lui dire qu'iel était attachant.

Enfin... "Éberlue". Façon de parler. Disons que dans sa petite tête, iel ne comprenait absolument rien de ce que Sydney racontait. Est-ce qu'ils étaient en plein quiproquos ou... Est-ce que Sydney s'était mise à parler brusquement une autre langue... ? Après tout, elle était Canadienne, non ? Peut-être qu'ils ne se comprenaient pas pour une question d'expressions idiomatiques ? Oui... Ça devait être ça. Elle voulait sûrement dire tout le contraire de ce qu'elle avait exprimé. C'était sûr. C'était certain.

La jeune femme fit ensuite un fin parallèle entre l'histoire de l'Assassin Royal et la vie de Dihce. Elle demanda si Dihce était venu à l'Académie dans l'espoir de trouver son roi Subtil et son Fitz-Chevalerie. Bien sûr, Dihce comprenait. Elle lui demandait simplement s'il était ici pour se faire des amis. Des "amis". Quelle notion abstraite pour ce pauvre Dihce. Iel n'en avait littéralement jamais eu, mais avait vu de nombreuses personnes autour de lui en avoir. Parfois de façon sincère... Parfois complètement en surface. Mais Dihce n'était pas assez empathique pour saisir la différence... Tant et si bien qu'iel n'avait qu'une vision que trop floue de l'amitié. Toutefois... Iel voulait ça. Iel voulait vraiment que ce soit comme dans les livres qu'iel avait lu. Iel voulait un Ron Weasley et une Hermione Granger. Iel voulait un Subtil et un Chevalerie. Iel voulait son renard et sa rose. Et iel voulait une vie aussi normale que possible. Iel voulait juste... Juste... Être bien. Juste une fois. Pour toute réponse, iel hocha doucement la tête, puis observa Sydney prendre une de ces petites feuilles brillantes pour la manger.

Dihce avait beau saisir les parallèles et les métaphores, par contre, les hyperboles ou autres exagérations, ce n'était pas son fort. Par conséquent, iel imagina que Sydney faisait réellement venir des cargos entiers de ces petites feuilles brillantes. Iel se fit d'ailleurs la réflexion que... Soit elle était riche héritière, soit le boulot de conseillère de l'orientation payait mieux que ce qu'iel pensait. Mais iel revint rapidement à ses moutons. Venait-elle bien de manger sous ses yeux une de ces petites feuilles ? Intrigué, iel tendit la main vers le bocal et saisi une des friandises entre son pouce et son index gantés avant de la porter à ses lèvres et de la mettre dans sa bouche comme l'avait fait Sydney.

Et là, ce fut la claque. Comme précédemment pour le thé, iel en oublia qu'iel avait mal et qu'iel avait vraiment besoin de sa morphine. Iel rosit de plaisir. C'était plus sucré que tout ce qu'iel avait pu goûter jusque là. C'était même trop sucré. Et pourtant... Pourtant... Il n'y avait rien d'aussi savoureux, particulier et doux. Iel baissa la tête en espérant que sa surprise, sa stupéfaction ne se voit pas sur son visage. Peine perdue. Heureusement, Sydney lui lança une bouée à ce moment-là. Une bonne façon de détourner son attention de ce goût qui envahissait tout son cerveau, toutes ses pensée. Iel redressa légèrement la tête pour voir Sydney qui s'était mise au fond de son fauteuil pour le faire tourner doucement d'un côté et de l'autre sur son axe. Comment répondre au mieux à sa question... ?

"Mes parents..."

Ouille. Déjà commencer une phrase par "mes parents", ce n'était pas ce qu'il y avait de plus facile pour Dihce. Iel marqua donc un temps et posa sa phrase dans sa tête. Soigneusement. Plusieurs fois. Dans plusieurs sens différents. Puis, iel repris en se détachant complètement de ce qu'iel était en train de dire. On aurait dit que ça le concernait à peine. Voire pas du tout.

"Mes parents voulaient que j'aie de bonnes notes à l'école. Mais pas pour moi. Pour leur image. Les autres élèves n'aimaient pas que j'aie de bonnes notes. Mais je préférais qu'ils n'aiment pas ça plutôt que de mettre mes parents en colère."

Iel leva légèrement le nez vers le plafond, légèrement pensif, puis repris à nouveau.

"Rien ne m'a jamais plu à l'école. Et mes parents ne voulaient pas spécialement que je fasse d'études. Maintenant, je ne dépends plus d'eux. Je serais majeur dans trois ans et je ne sais pas ce que je vais faire après... L'Académie."

Iel pencha légèrement la tête sur le côté.

"Peut-être que je ne suis pas fait pour... Tout ça."

Et iel voulait dire tellement de choses par "Tout ça". Tellement de choses.

Dihce observa Sydney mettre ses doigts sur ses tempes. Est-ce qu'iel l'avait énervée ? Agacée ? Avait-elle simplement mal à la tête ? Est-ce que c'était de sa faute ? Inquiet, Dihce recula dans son fauteuil jusqu'à ce que son dos en touche le dossier. Son visage n'exprimait toujours rien, mais ce mouvement de recul n'était pas anodin pour quiconque sait observer. Et Sydney savait observer. Iel s'en voulu un peu d'avoir ainsi montré une "faiblesse", mais c'était trop tard, maintenant. Est-ce qu'iel allait se faire réprimander ? Ou pire ?

Mais finalement, Sydney retira ses mains de ses tempes. Peut-être un peu précipitamment. Dihce n'en compris pas vraiment la raison, mais s'attendait à ce qu'une sentence tombe. Il n'en fut rien. Quand la jeune conseillère d'orientation repris la parole, ce fut d'une voix aussi douce qu'à l'accoutumée. Et pour lui parler de Clubs. Un Club, hein ? Il y en avait dans son ancien collège. Club d'échecs, club de science, club de photographie... Iel ne se souvenait pas de tout puisqu'iel n'y avait jamais participé. La raison était très simple... Iel subissait déjà un quotidien compliqué à cause des autres élèves. Iel n'allait pas en plus décider de son propre chef d'utiliser son temps libre pour aller dans un club où iel ne serait vraisemblablement pas mieux traité.

Par conséquent, iel ne s'était pas intéressé aux clubs de l'Académie. Iel ne savait même pas qu'il en existait. Pour faire partie d'un club il fallait donc aimer une activité ? L'ennui... C'est que Dihce ne saisissait pas vraiment ce que c'était qu'aimer une activité. Ni même éprouver un intérêt pour quelque chose. Iel le vivait, le ressentait, bien sûr... Mais sans comprendre que c'était ça. Iel réfléchit silencieusement un moment... Se demandant s'iel n'allait pas demander à Sydney de reformuler sa question autrement ou... De lui dire quels clubs il y avait à l'Académie, parce qu'iel n'en avait aucune idée... Mais finalement, iel pris la question dans un sens différent et se décida à dire les activités sans lesquelles iel ne pourrait pas vivre. C'était un bon début, non ?

Iel détourna prudemment le regard et se mit à rougir. Iel n'avait qu'une trop vague idée de ce qu'était la honte pour l'identifier comme tel. Mais il était clair qu'iel ressentait une gêne quant à parler de ses intérêts. Ses parents lui avaient tellement rabâché que toute activité n'étant ni du travail, ni du sport était une perte de temps et franchement pas souhaitable qu'iel avait finit par l'accepter dans sa construction en tant que personne. Admettre qu'iel avait des centres d'intérêts "proscrit" était donc assez compliqué pour iel, même s'iel voyait et comprenait parfaitement que le monde n'était pas l'image biaisée que ses parents lui avait dépeinte.

"Je fais... De la couture. Et je dessine un peu."

Iel avait parlé d'une toute petite voix... Un peu moins assurée et atone qu'à l'accoutumée. Juste un peu. Mais quand il s'agissait de Dihce, même d'infimes variations devenaient des expressions entière et se voyaient comme le nez au milieu de la figure. Plus qu'à voir ce que Sydney disait de ça. Est-ce qu'il y avait un club de couture à l'Académie ? Est-ce que... Est-ce que... D'autres élèves cousaient et... Faisaient essayer leurs créations ? Est-ce qu'ils inventaient plein de costumes ? Comme iel ? Ou... Est-ce qu'ils aimeraient ce qu'iel faisait ? Plein de questions se bousculaient dans sa tête au point de la lui faire tourner un peu plus que ce qui était déjà le cas... Ça commençait à devenir vraiment insupportable. Iel était bien désolé que Sydney voit ça, mais...

Iel baissa la tête pour cacher ses yeux derrière sa frange et retira de sa poche une petite plaquette de cachets. Sa précieuse morphine. Enfin... La "légale". Celle qu'iel obtenait avec des ordonnances. Iel marmonna une faible excuse à Sydney et goba deux cachets avant de glisser à nouveau la plaquette dans sa poche. Iel espérait sincèrement ne pas avoir de question sur ce geste. Iel avait déjà les joues et les oreilles en feu... Et aurait souhaité disparaître si... S'iel n'était pas si intéressé parce qu'allait lui dire Sydney sur les clubs.

Dihce pencha légèrement la tête sur le côté pour dégager la vision à l'un de ses yeux. Iel pu donc observer Sydney utiliser son ordinateur portable. Iel était plutôt content et rassuré qu'elle n'ait pas fait de commentaire sur ses "hobbies". Positive ou négative, une remarque aurait mis Dihce encore plus dans l'embarras. Le fait que le regard de Sydney ne soit plus posé sur iel l'arrangeait également. Iel pu tranquillement reprendre contenance et pris discrètement une autre petite feuille brillante, la mettant dans sa bouche pour en ressentir la saveur sucrée et si particulière du sirop d'érable. Sydney, le nez toujours collé sur l'écran de son ordinateur lui parla alors d'un club. Le club "des arts".

Rien que l'intitulé stressait notre jeune anglais. Si c'était là le seul club d'art de l'Académie et qu'il y regroupait tous les arts et artistes... Alors ce club était certainement très fréquenté. Le côté taciturne de Dihce était mis à rude épreuve. Lui qui aimait tant le calme et angoissait tellement lorsqu'iel était entouré de trop de personnes à la fois. Comme en cours. Iel essaya de se souvenir de si ça avait toujours été ainsi. Des bribes lointaines et floues se frayèrent un chemin jusqu'à sa conscience. Une époque où les enfants sont trop jeunes pour porter des jugements... Et où iel était de toute façon moins "atteint". Moins "bizarre". Une époque où le comportement de ses pairs ne l'avait pas encore replié sur iel-même. Iel n'irait pas jusqu'à dire qu'iel avait été heureux. Simplement qu'à l'époque, iel se laissait encore bercer par l'espoir.

L'espoir. C'était l'espoir qui l'avait fait venir à Tsuki. "Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir". La réciproque de cette maxime très connue était également vraie. "Tant qu'il y a de l'espoir, il y a de la vie." Avant... Juste avant de recevoir sa lettre de l'Académie... Dihce avait perdu tout espoir. A un point tel qu'iel avait tenté de mettre fin à ses jours. De mettre fin à la douleur. De mettre fin à la monotonie. Mettre fin à cette absence, ce manque de tout. Ce manque de joie. Ce manque d'envie. Ce manque de tristesse. Ce manque de colère. Iel avait perdu l'espoir au point que plus rien n'avait d'importance, à ses yeux. Pas même sa propre vie. Iel n'aurait jamais imaginé que l'espoir renaîtrait sitôt après. Iel n'aurait jamais imaginé que l'espoir pouvait renaître. Iel n'attendait qu'une chose... Guérir de ses blessures physiques. Suffisamment pour... Réitérer son acte. Sa fuite vers la mort.

Mais la lettre était arrivée.

Et à partir de cet instant, iel s'était promis de faire les efforts nécessaires pour que tout change. Iel en avait déjà fait beaucoup en fuguant. Mais iel en avait encore beaucoup à faire.

Par exemple, là. En cet instant. Iel devait faire l'effort de répondre à Sydney. Faire l'effort d'essayer. Iel hocha lentement la tête. Son visage avait repris ses traits lisses et dépourvus de toute émotion. Ses yeux vides dont les pupilles s'étaient contractées étaient les reflets parfaits de son calme sans faille.

"Je veux bien... Essayer."

Dit-iel doucement. Ça valait la peine. Tout ici en valait la peine. Sa vie était déjà nettement plus supportable qu'il y a quelques mois à peine. Nettement, très nettement. Si ça pouvait encore s'améliorer, eh bien... Dihce voulait bien accepter de donner encore un peu d'iel-même pour que ce soit le cas.

Sydney lui adressa de nouveau un de ces sourires dont elle avait le secret. Dihce avait beau rester méfiant, il était vrai de dire qu'iel commençait à considérer la conseillère d'orientation comme était un "bon" adulte. De ceux qui vous écoute. Vous écoute vraiment. D'ailleurs, elle lui posa des questions sur ce qu'iel faisait en couture. Iel n'y avait jamais réfléchi pour la simple raison qu'iel ne s'était jamais limité à quelque chose. Le plus souvent, iel modifiait du prêt-à-porter ou faisait ses propres tenues. Toutefois, il lui était également arrivé de coudre des peluches, des coussins, des couvertures en patchwork ou non. N'ayant jamais eu accès à des cours de couture ou même à des magazines ou des livres explicatifs, iel avait appris l'essentiel de ce qu'iel savait en autodidacte en observant les coutures et plis du prêt-à-porter que ses parents lui achetaient. Ce n'est que plus tard, lorsqu'iel eu droit à autre chose qu'un vieux 3310 avec un forfait au sms qu'iel pu apprendre des choses supplémentaires grâce à la magie d'Internet ! A ce moment-là, ça avait été une myriade d'idées qui avait affluées sous ses yeux et dans sa tête. S'iel avait pu, à l'époque, iel se serait enfermé dans sa chambre pour ne faire que coudre et dessiner pendant au moins un mois.

Dans les questions de Sydney, il y avait tout de même la notion d'offrir à des amis. Dihce avait du mal à envisager la chose, puisqu'iel n'avait pas d'amis. Et puis... On ne lui avait jamais rien offert, à iel. Ses parents avait toujours estimé que lui donner un toit, à manger, des vêtements et une éducation était de loin le plus beau des cadeaux qu'ils pouvaient lui faire. Iel n'avait jamais rien eu de superflu. Même pour ses téléphones portables... C'était surtout pour que ses parents puisse lea contacter à tout moment. Pour surveiller sa vie. Comme toujours. Iel n'avait jamais eu beaucoup de numéros dedans. "Père", "Mère", "Ecole", "Urgence"... Et il lui semblait que c'était à peu près tout. La notion d'offrir et de cadeau était donc un peu... Trouble pour iel. Toutefois, iel avait lu Harry Potter et iel se rappelait bien des présents que les personnages recevaient à l'occasion de Noël ou de leurs anniversaires. Harry avait eu un très beaux cadeaux de la part de Hagrid et de Minerva McGonagall dès le premier tome. Et pour le cadeau du dit professeur en Métamorphoses, la seule occasion était son entrée dans l'équipe de Quidditch de Gryffondor. Iel se souvenait aussi que Molly Weasley passait l'année entière à tricoter des pulls en laine pour ses enfants et même pour Harry. Ronald les qualifiait d'hideux, mais... Pour Dihce... Si sa mère avait pu lui offrir quelque chose... Même un pull en laine violette, iel aurait été ravi.

Alors offrir... ? Oui, peut-être. Iel ne savait pas à qui... Mais s'iel avait eu quelqu'un qui comptait, peut-être aurait-iel offert quelque chose qu'iel avait fait iel même. Toujours rouge, iel rabaissa sa tête pour cacher de nouveau ses yeux derrière sa frange blonde.

"Je fais... Surtout des vêtements... Ou je les customise. Mais j'aime bien aussi... Le patchwork et... Faire des peluches..."

Iel marqua un temps pour reprendre un peu son souffle, mis à rude épreuve par sa gêne.

"Si... Si j'avais... Quelqu'un... Un... Un ami..." Reprit-iel en balbutiant adorablement "Je voudrais sûrement... Lui offrir une peluche."

Comme c'était difficile de parler de son passe-temps... Si difficile. Mais iel le faisait. Courageusement. Et malgré le fait que l'entretien lui dévorait beaucoup d'énergie... C'était souvent ce qui arrivait quand on était en pleine dépression... L'énergie manquait. On se sentait épuisé tout le temps. Dihce l'était, épuisé. Mais iel savait également que s'iel ne le provoquait pas, le changement ne viendrait jamais.

Dihce pencha légèrement la tête pour voir les réactions de Sydney à travers sa frange. Et elle... Souriait ? Et pas un petit sourire doux, non. Un large sourire. Dihce se demanda immédiatement si la conseillère d'orientation était en train de se moquer d'iel. Après tout... Ca aurait du sens. Iel faisait des peluches... Qu'est-ce qui lui avait pris de dire ça ? Pour n'importe qui d'autre, ça aurait été la honte. Non ? C'était normal que Sydney se moque d'iel. Des peluches. Bon sang. Quel âge avait-iel ? Et dire en plus qu'iel offrirait bien des peluches à ses amis ? Qui voudrait recevoir ça en cadeau ? Il n'y avait sûrement rien de plus infantilisant, de plus honteux. Il était assez certain que ça n'intéressait personne. Non, personne. Iel s’apprêtait à balbutier on ne sait quelle excuse pour se sortir de cette situation gênante, mais... Sydney pris la parole avant iel.

Pour lui parler de "panda-roux". Non seulement iel ne savait pas ce qu'était un "panda-roux", mais en plus, iel ne voyait pas le rapport avec ce qu'iel venait de dire. Comme rien ne lui venait pour l'aider à comprendre l'étrange remarque de la jeune conseillère d'orientation, iel se concentra sur cette idée de "panda-roux". Iel savait ce qu'était un panda tout court... Aussi, iel supposa qu'il devait s'agir d'un panda... Mais qui aurait des poils roux au lieu de noirs et blancs ? Ça correspondait avec la description succincte qu'en avait fait Sydney, non ? Bon, maintenant, pourquoi disait-elle qu'elle aimait les "panda-roux" dans un moment pareil ? Est-ce que ça avait un rapport avec les "caribous" ou les "rennes" ? Est-ce qu'iel avait fait une crise dissociative sans s'en apercevoir ? Avait-iel loupé quelque chose à la conversation ? Iel redressa lentement la tête. Peut-être devrait-iel tout simplement demander ce qu'elle voulait dire par là... ?

Comme souvent, Dihce passait bien trop de temps à penser, à se perdre dans milles images et souvenirs qu'iel en répondait trop tard... Ou qu'on lea devançait. C'est ce qui arriva une nouvelle fois. Sydney avait repris la parole en lui demandant s'il lui plairait de... Faire des vêtements pour enfants ? Iel n'avait fait que ça toute sa vie, vu qu'iel cousait pour iel-même. Même maintenant qu'iel avait déjà quinze ans, iel restait vraiment petit, pour son âge. Donc... Décorer des vêtements avec des choses mignonnes... Ce serait pour les enfants ? Iel repassa dans sa tête les vêtements de son enfance. Ses parents ne lui avaient jamais rien acheté de "mignon". Encore moins en ce qui concernait ses tenues. Elles étaient toujours sobres. Souvent dans des tons unis ou des camaïeux. Rien ne les "décoraient" spécialement. Iel reprisait souvent ses tenues pour les rendre un peu plus... "Fashion", comme on dit, dans le jargon. Mais c'était en créations qu'iel y mettait le plus d'originalité. Des vêtements qu'iel ne portait que pour iel. Dans sa chambre. Hors de question de sortir avec... Ses parents auraient eu vite fait de saisir qu'iel cousait secrètement... Qu'iel s'intéressait secrètement à quelque chose d'autre que "avoir de bonnes notes" ou "bien se tenir en société".

Carrière dans la mode.
Carrière dans la mode.
Carrière dans la mode.

Les mots tournèrent un moment dans son esprit chaotique où régnait la sensation de manque, l'angoisse, la paranoïa et la détermination de se sortir de tout ça. Des mots auxquels iel n'avait jamais songé. Auxquels iel n'avait jamais osé songer. Iel, Dihce, jeune anglais de quinze ans... Pouvait-iel vraiment s'autoriser à s'imaginer une carrière dans la mode ? Impossible... N'est-ce pas ? Iel ne s'était jamais vu avec le moindre métier de sa vie. Et ses parents n'envisageaient sûrement pas qu'iel pu faire des études ou accéder à un travail. Et voilà que d'un coup, de but en blanc, on lui disait : "Tiens, si tu faisais carrière dans la mode ?" Ça avait l'air évident. Non. C'était l'évidence. Et c'était pourtant si compliqué. La panique gagna Dihce. L'attrapa à la gorge et lui donna un léger vertige.

"Un... Défi ?" balbutia t-iel, un peu hébété.

Un défi... Iel n'avait jamais relevé aucun défi de sa vie. Iel était à peine sûr de ce que ça voulait dire. Iel déglutit avec difficulté, inspira comme iel pu, puis tenta une réponse. Ou plutôt une question. Une question pour que Sydney précise. Pour être sûr d'avoir bien compris.

"Vous voulez dire... Que je pourrais créer et coudre... Tout le temps ? Et... Et que je serais payé pour ça... ? Comme... Comme si c'était un vrai travail ?"

Iel n'imaginait pas que son besoin de création... Sa "passion"... Puisse être un travail. Iel avait l'impression que... A l'instar de ses parents, iel devait avoir un travail "sérieux"... Comme médecin, chercheur, avocat... C'était sûrement son éducation qui biaisait son opinion et son jugement, mais... C'était ainsi qu'iel se sentait.