Une aide bien appréciée [PV Zakary]

Alors que le soleil de 14h brille de ses rayons qui peinent à réchauffer l'air frais qui marque la fin de l'automne, je joue avec mon trousseau de clés, accotée contre le mur de la bâtisse qui sert de dortoir aux Émeraudes. Depuis mon arrivée, j'ai pu remarquer que les élèves faisant parti de cette maison sont beaucoup moins nombreux que ceux des maisons Saphir et Rubis. C'est plutôt dommage, car cela signifie que la loyauté et l'entre-aide n'entrent pas dans la liste de priorité d'une grande partie des étudiants, cependant, nous avons plus d'espace pour respirer!

Je lance mon trousseau avant de le rattraper et je répète ce même geste depuis déjà cinq bonnes minutes. Alors que je lance une fois de plus les clés, j'ai un moment de distraction. Ce bref instant parvient toutefois à déclancher un incident. Au lieu de retomber dans mes mains, le trousseau heurte le mur et éclate en morceaux, libérant les clés et les éparpillant sur le gazon. Je savais que l'anneau avait quelques problèmes, mais de là à se briser si facilement... Je ramasse d'abord le badge, la seule pièce qui n'a pas disparue dans la pelouse jaunie, puis je me met à quatre pattes et je tâte l'herbe en quête des autres. Au bout de trois minutes, je trouve la clé de chez moi qui s'était retrouvée dans ma valise par erreur et que j'avais décidé d'accrocher avec les autres.

Encore quelques minutes plus tard, je n'ai toujours pas retrouvé les deux dernières clés; celle de mon casier et celle de ma chambre. Autant dire que j'ai intérêt à les retrouver. Soudainement, une paire de chaussures arrive et s'arrête devant moi. Je lève la tête et découvre un garçon aux cheveux auburns et aux yeux verts qui me fixe.

Vagabondant dehors autour de l’Académie, tout était bien calme. Oui "calme" était  le bon mot pour définir l’état actuel dans lequel se trouvait l’Académie. Le mois de décembre venait à peine de débuter que la plupart des étudiants passaient déjà la majorité de leur temps libre à réviser pour les examens. En effet décembre ne marquait pas seulement la fin de l’automne, c’était aussi le mois qui déterminait si les élèves avaient ou non leur premier semestre.

C’était donc le début des angoisses et des insomnies pour pas mal d’étudiants n’ayant pas appris leurs cours jour après jour. Dans mon cas j’étais plutôt confiant mise à part pour une seule matière : "L’entrainement aux pouvoirs".
Ceci s'expliquait par le fait qu'aucune personne ne m’avait donné son accord pour m’exercer et d’un certain point de vue je les comprenais… Honnêtement qui souhaiterait se faire "posséder" ? C’était comme-ci je violais leur intimité en le faisant.

J’étais donc un peu de l’embarras, ça faisait tellement longtemps que je n’avais pas utilisé ce don que j’avais peur de ne plus savoir m’en servir au cours de l’examen. Mais je ne perdais pas espoir pour autant, je m’étais mis en tête de demander à toutes les personnes que je croiserai si elles voudraient bien m’aider ou non dans cette tâche. Et en parlant de personnes, je ne tardai à trouver un nouvel équipier hypothétique quand j’aperçus au loin une fille aux cheveux noirs mi-longs,  à quatre pattes semblant chercher quelque chose dans ce gazon humide qui entourait tout le bâtiment.

Motivé, je m’avançai vers elle dans le but de lui demander son accord pour participer activement à mes révisions jusqu’à ce que j’arrive devant elle et qu’elle remarque ma présence en relevant la tête. Ses grands yeux retinrent tout de suite mon attention. Leur couleur composée d’un mélange de vert de gris et de bleu était vraiment envoûtant. De plus le teint pâle de sa peau ne faisait qu’accentuer la beauté de ces yeux. Cependant l’air d’interrogation qu’on pouvait lire sur son visage me sortit subitement de cette soudaine fascination. Me sentant quelque peu mal à l’aise je brisai alors ce silence oppressant qui nous séparait.

« Euh… salut ! Je vois que tu cherches quelque chose, aurais-tu besoin d’aide ? »

Dans la précipitation je lui avais proposé mon aide ?! N’étais-je pas censé lui demander justement l’inverse ? Rah mais quel débile ! M’enfin après tout je n’étais pas non plus si mécontent de mes paroles, si je l’aidais peut-être qu’il aurait plus de chance qu'elle accepte à son tour de me rendre service. La stratégie du "donnant-donnant" avait clairement plus de chance d’aboutir, mais est-ce qu’elle allait réellement fonctionner ?

Au cours des quelques secondes pendant lesquelles il reste immobile, j'oublie ce que j'étais en train de faire et il ne me reste qu'une seule pensée en tête; pour quelle raison ce garçon se tient-il là? Est-ce qu'il est dans la lune? Je songe à réagir quand il semble reprendre ses esprits et prend la parole:

« Euh… salut ! Je vois que tu cherches quelque chose, aurais-tu besoin d’aide ? »

Je regarde vers le sol pendant un court instant, afin de me souvenir de ce que je faisais.

« Ah... euh oui. C'est gentil de proposer. J'ai perdu deux clés dans l'herbe. C'est facile à chercher et pourtant, je n'arrive pas à les retrouver. »

Il se penche et se met à chercher dans la pelouse lui aussi. Eh bien! Je parlais d'entre-aide, mais j'étais loin de me douter que quelqu'un me proposerait un coup de main. Je l'observe pendant quelques instants avant de reprendre la recherche. Il a une mine enfantine, mais il est plutôt de grande taille et son regard a quelque chose de mature. Je me demande l'âge qu'il a... Ma main frôle quelque chose de petit et plus ou moins dur, parmi les brins d'herbe. Il s'agit d'un vieux chewing-gum qui, à en juger par sa couleur mauve-violacée, était probablement au raisin. Je l'envoie valser au pied du mur du dortoir, afin d'éviter de remettre la main dessus. Vraiment, il y a des gens qui manquent de classe!

HRP:

HRP:

Chercher deux clefs dans cette immense plaine de gazon ? C’était donc ce qu’elle était en train de faire avant que j’arrive.  Bien aussitôt dit aussitôt fait, je me mis donc en chasse de ces fameuses clefs.

Courbé face à l’herbe je balayai la pelouse fraîchement humide de ma main en espérant y trouver ce que je désirais. Mais après quelques minutes de va-et-vient à scruter méticuleusement quelques parcelles de ce grand tapis vert, je m’arrêtai quelques secondes pour y détendre mon dos en étirant mes bras vers le ciel bleu pâle. Mais où est-ce ces fichues clefs se cachaient-elles ? Elles ne pouvaient pas avoir disparues aussi facilement.

Je regardai alors en direction de la fille à qui j’avais accordé mon aide. La voyant toujours à quatre pattes épluchant chaque recoin d’herbes avec attention, je supposais qu’elle n’avait pas encore retrouvé la moindre trace de ses deux effets personnels. Je me demandais alors comment elle avait pu perdre ses clefs à travers cette grande étendue. Sûrement de manière involontaire, bien que pourtant elle n’avait pas l’air de faire partie de ces filles un peu tête en l’air. En effet son style vestimentaire sombre reflétait une certaine assurance en elle-même et je n’avais remarqué aucune hésitation dans le doux timbre de sa voix lorsqu’elle m’avait exprimée sa requête. J’en conclus donc qu’elle faisait tout comme moi partie des Émeraudes, ou bien peut-être des Saphirs. En tout cas une chose était certaine, elle n’était pas une rubis. En effet si elle l’avait été je suis sûr qu’au lieu d’accepter mon aide, elle m’aurait répondu une phrase du genre : « Mais de quoi tu te mêles. Je n’ai pas besoin de ton aide ! ». Tout le monde le savait, les rubis étaient réputés pour leur indiscipline et leur caractère de cochon.

Je réfléchis alors au jour où je rencontrerais des rubis. Est-ce que je m’entendrais bien avec eux ? Je devais avouer qu’ils m’intéressaient étant donné que depuis mon arrivée je n’en avais encore croisé aucun à l’Académie. Certains affirmeraient que je suis plutôt chanceux de ne pas en avoir croisés mais peu importe j’avais envie de vérifier s’ils étaient vraiment aussi relous qu’on le racontait. Mais soudain quelque chose perturba mes pensées à propos de ces futures rencontres. Le soleil faisait briller quelque chose dans l’herbe. Une clef ? Peut-être bien ! Sans plus attendre je me précipitai avec hâte vers la faible source lumineuse, mais une fois assez proche d’elle pour discerner l’objet responsable de cette illumination je fus mécontent de ma découverte. Ce n’était qu’un simple morceau froissé d’aluminium dissimulé sous quelques brins d’herbe. Déçu je ramassai tout de même le morceau argenté afin de le mettre dans la poubelle extérieure située à quelques mètres de moi.

Une fois le déchet déposé, je reparti alors en direction de la fille, apparemment toujours autant obstinée à chercher ces clefs, et lui adressai la parole dès que je fus assez proche d’elle.

« Au fait elles ressemblent à quoi tes clefs ? » dis-je en me frottant l'arrière de la tête à l'aide de ma main droite pour paraître un peu gêné.

J'aurai clairement du commencer par lui poser cette question au lieu de foncer tête baissé. Plus d’informations n’étaient clairement pas de refus, cela me permettrait sûrement d’affiner mes recherches.

Est-ce qu'elles auraient rebondi? Avant tout, est-ce que des clés qui tombent sur une surface plutôt amortissante comme de la terre, ça peut rebondir?...

« Au fait elles ressemblent à quoi tes clefs ? »

Je profite de la question pour faire une pause. À force de se tenir sur les genoux, ils deviennent douloureux. C'est vrai que j'aurais pu le préciser d'avantage ce que je cherchais, car le terme clé est plutôt vague. Il pourrait s'agir de clés à molette, de clés USB ou encore, de clés de sol, pour les amateurs d'absurdités.

« Si tu possède un casier et une porte de chambre, je crois que tu as des clés argentées semblables. Celle du casier a une tête ronde et l'autre a la tête carrée. Ce sont des clés avec tout ce qu'il y a de plus ordinaire, à moins qu'elles puissent devenir invisibles, mais j'espère que ce n'est pas le cas. »

Je ne crois pas qu'il y ait quelque chose de plus à ajouter à la description que j'ai fait des deux petits morceaux de métal. Je regarde l'expression de mon interlocuteur pour voir si j'ai donné la réponse satisfaisante. D'ailleurs, ce serait bien si je pouvais mettre un nom sur ce visage.

« J'ai réalisé que j'ai oublié de te demander ton prénom. Moi, c'est Tori. »

Je lui tend la main en attendant sa réponse.

HRP:

« Si tu possèdes un casier et une porte de chambre, je crois que tu as des clés argentées semblables. Celle du casier a une tête ronde et l'autre a la tête carrée. Ce sont des clés avec tout ce qu'il y a de plus ordinaire, à moins qu'elles puissent devenir invisibles, mais j'espère que ce n'est pas le cas. »

Sa petite touche d’humour me fit sourire. Bien que qu’elle devait sûrement être agacée de ne pas trouver ses clefs le fait qu’elle essayait de relativiser la fit monter davantage dans mon estime. Elle avait l’air d’être ce genre de personne qui ne se prenait pas la tête au quotidien, des personnes agréables à vivre. Ses explications terminées, elle me tendit le bras en guise de salutations tout en y rajoutant…

« J'ai réalisé que j'ai oublié de te demander ton prénom. Moi, c'est Tori. »

En effet cela faisait déjà une bonne dizaine de minutes que nous cherchions désespérément ses clefs que nous n’avions même pas pris la peine de nous présenter mutuellement. Sans plus attendre j’attrapai alors sa main et la serrai délicatement tout en me présentant à mon tour.

« Aha c’est exact ! Enchanté Tori moi c’est Zakary mais appelles moi comme tout le monde Zak’, c’est moins long à prononcer et plus facile à retenir. » lui précisai-je en souriant.

Tori ? Ce n’était vraiment pas commun comme prénom, du moins ce n’était pas français. Était-ce alors issue d’Angleterre tout comme cette Académie ? Peut-être bien, après tout je n’étais pas un expert concernant l’étymologie des prénoms.
Ainsi ma main toujours entrelacée à la sienne je desserrai peu à peu mon étreinte afin de faire revenir mon bras à la verticale contre mon corps. Une fois fait, on échangea les rôles de questions/réponses lorsque je lui demandai…

« J’appartiens à la maison des Émeraudes, et toi de quelle maison dépends-tu ? »

Selon mon instinct elle était soit Émeraude ou Saphir, mais mon avis penchait davantage pour la maison au joyau vert. Elle n’avait pas cette timidité ou excentricité liées au Saphir, elle semblait d’être une fille aux premiers abords "normale" et sympathique qui correspondaient principalement aux critères des Émeraudes. Enfin "normal" était un bien grand mot étant donné que personne ne l’est dans cette Académie. Chacun doté de dons plus farfelus que les autres, nous étions tous loin d’être "normaux"…

« Aha c’est exact ! Enchanté Tori moi c’est Zakary mais appelles moi comme tout le monde Zak’, c’est moins long à prononcer et plus facile à retenir. »

Zakary, c'est un prénom que j'ai entendu à de nombreuses reprises. Cependant, parmi ceux que j'ai connu, c'est lui qui porte le mieux son prénom.

C'est maintenant lui qui me pose une question:

« J'appartiens à la maison des Émeraudes, et toi de quelle dépends-tu ? »

C'était donc ça! En même temps, ça paraissait évident qu'il faisait parti des Émeraudes. Mis à part quelques rares exceptions, un Rubis aurait passé son chemin sans plus s'attarder, quant à un Saphir, il aurait été trop gêné pour venir m'adresser la parole.

« Je fais aussi partie des Émeraudes, mais je n'ai pas souvenir de t'avoir déjà croisé. Es-tu ici depuis longtemps? »

Ce n'est peut-être pas tout à fait vrai que je ne l'ai jamais croisé. Il est probable que je l'ai vu une ou deux fois dans les couloirs, mais avec tous les élèves que je croise chaque jour, j'ai rapidement dû oublier.

« Je fais aussi partie des Émeraudes, mais je n'ai pas souvenir de t'avoir déjà croisé. »

Bingo ! J’avais vu juste elle faisait bien partie des Émeraudes ! Satisfait de ma déduction je ne pus m’empêcher d’afficher un petit sourire victorieux. Cependant maintenant que j’étais certain qu’elle dépendait tout comme moi de la maison des Émeraudes, je me demandai alors comment se faisait-il que je ne l’avais pas croisée plus tôt ?  Peut-être était-elle nouvelle ici ? C’était fort possible car généralement je n’éprouvais aucune difficulté pour reconnaître les visages des personnes qui croisaient mon regard. Néanmoins il était également tout à fait plausible qu’on ne soit tout simplement jamais rencontrer.

« Es-tu ici depuis longtemps ? »

Depuis combien de temps avais-je atterri à l’Académie déjà ? Hum si je me remémorais bien ça faisait déjà plus d’un mois. Oui j’étais arrivé peu de temps après Halloween, je me souvenais encore qu’à mon arrivée quelques petites décorations à l’occasion de cette fête de l’horreur telles que des fausses toiles d’araignée et des banderoles dont les couleurs dominantes étaient le noir et l’orange habillaient le hall d'entrée de l’Académie.

« Ça fait un peu plus d’un mois, je suis arrivé peu de temps après Halloween. Et toi ? »

Déjà plus d’un mois que j’étais ici et pourtant j’avais l’impression d’être arrivé il y a seulement quelques jours. Le temps passait si vite, peut-être même trop vite. Sans vraiment savoir pourquoi je me mis à penser à la vie que j’avais menée à l’orphelinat. Certes il y avait eu des hauts et des bas mais les meilleurs moments de ma vie qui étaient gravés en moi à jamais je les avais vécus là-bas. J’avais rencontré des personnes exécrables tout comme d’autres qui étaient exceptionnelles à mes yeux avec qui j'avais fait les quatre cents coups. Malheureusement dans un orphelinat les amitiés ne durent pas éternellement, c’était toujours difficile de voir un proche se faire adopter et de disparaître du jour au lendemain. Au fil du temps la plupart avaient finalement disparu, me laissant seul dans cet endroit. Certes il y avait eu de nouveaux arrivants entre temps, mais à peine commençais-je à développer des liens avec eux qu’à leur tour qu’ils disparaissaient. De plus vu que je vieillissais, l’écart d’âge creusait peu à peu ma solitude aussi. En effet un adolescent n’a bien entendu pas les mêmes centres d’intérêts que ceux d’un enfant. Enfin de mon point de vue actuel, j’avouais qu’à cette époque je m’étais peu à peu renfermé sur moi-même de peur de souffrir de nouveau en voyant disparaître quelqu’un à qui je m’étais attaché.

Toutes ces pensées me rendaient nostalgique quand tout à coup ma vision se troubla accompagnée d’une soudaine douleur qui me transperça la poitrine. Mes yeux étaient gonflés comme si je m’apprêtai à pleurer. Instinctivement je portai mes mains à mes deux pupilles tout en plissant mes paupières. Oui c’était bien des larmes qui avaient envahi ma vue. Que se passait-il, étais-je à ce point si émotif ? Je tentai alors de les sécher à l’aide de mes deux mains puis une fois fait je refocalisai mon attention sur Tori. À ses yeux je devais vraiment paraître pitoyable…

« Ça fait un peu plus d'un mois, je suis arrivé peu de temps après Halloween. Et toi ? »

Un peu plus d'un mois? Ça explique que je ne l'ai pas remarqué auparavant. Et moi alors? Voyons voir; j'ai reçu la lettre de l'académie au mois de février, mais j'ai décidé de d'abord terminer mon année scolaire et c'est finalement au mois de juillet que j'ai répondu à l'invitation...

Je fais le compte dans ma tête.

« Ça doit faire aux alentours de 4 mois et demi que je suis là. »

Je me rappelle avoir pensé que venir serait une occasion de sortir de la routine quotidienne et de prendre un nouveau départ, mais il n'y a pas grand chose qui a changé finalement.

À présent, Zachary semble perdu dans ses pensées, puis ses yeux se remplissent de larmes qu'il essuie avec ses mains. J'éprouve toujours un certain malaise lorsque quelqu'un pleure devant moi. Déjà parce que si c'est gênant pour moi, ça l'est encore plus pour la personne qui ne parvient pas à retenir ses larmes et après, parce que je ne sais jamais comment réconforter les gens.

« Est-ce que tout va bien? »

Question stupide, car si une personne pleure, à moins que ce ne soit de joie, c'est la preuve que tout ne va pas bien.

Il s'ennui peut-être de ses proches... à moins que ce ne soit à cause d'un souvenir douloureux... c'est peut-être même les deux... Vu le nombre de jeunes qui arrivent en traînant un passé difficile derrière eux, ça ne serait pas surprenant. Ce que j'ai vécu est, à côté du passé de certains élèves, presque un bonheur. Il ne faudrait pas exagérer non plus, mais j'aurais pu avoir une vie vraiment plus horrible.

« Est-ce que tout va bien ? »

Est-ce que j’allais bien ? Moi-même je ne le savais pas, c’était la première fois que je pleurais ainsi en public. Était-ce vraiment ces souvenirs, cette nostalgie qui avait fait surgir en moi ces sentiments douloureux ? Oui aucun doute là-dessus, en me remémorant ces doux moments passés une vive douleur avait saisi mon cœur. Je ne me savais vraiment pas aussi émotif mais je devais avouer que ça me faisait du bien de pleurer, libérer ses lourds souvenirs appartenant dorénavant à une ancienne époque. Néanmoins bien que la tristesse commençait à engendrer une sorte de délivrance, je me sentais mal vis-à-vis de la fille qui se trouvait face à moi. Je n’aimais pas particulièrement causer de l’inquiétude chez les autres. En me mettant à sa place, j’imaginais parfaitement le malaise que j’aurais éprouvé si une personne s’était mise à pleurer devant mes yeux sans aucune raison apparente. C’est pourquoi une fois mes larmes séchées, je lui présentai un sourire tout en m’excusant.

« Excuse-moi, je ne sais pas trop ce qui m’a pris… oui je vais bien merci. » dis-je d’une voix que je tentai de rendre la plus calme et la plus aimable possible.

Bien que je venais de m’excuser, je ne pouvais pas me permettre de ne pas dévoiler ce qui m’avait rendu ainsi. C’est vrai, ma justification était vraiment légère et je ne voulais pas qu’elle s’inquiète davantage à mon sujet. Mais pouvais-je vraiment lui faire confiance ? D’après les quelques minutes que j’avais pu passer à ses côtés, elle ne dégageait pas une impression de méfiance. Elle semblait compréhensible et gentille, elle était bien une émeraude après tout. Ainsi après quelques secondes de réflexion j’ajoutai...

« Me remémorer mon arrivée a fait resurgir en moi de vieux souvenirs agréables d’une époque que je croyais sombre… »

J’espérai que cette explication assez vague suffirait pour chasser ses doutes. Je ne voulais pas qu’elle m’assimile directement à un fardeau, un poids de plus à supporter. Après tout j’étais venu lui apporter mon aide et pas l’inverse, bien que tout de même j’espérai qu’elle puisse me rendre service en acceptant ma demande par la suite. Je me claquai donc légèrement les joues pour me remettre les idées en place et lui proposai de se remettre au travail.

« Bref le passé est le passé… et si on essayait de nouveau de dénicher tes clefs ? Je suis sûr qu’elles ne se trouvent pas loin ! » lui affirmais-je d’un air motivé en la regardant droit dans les yeux.

Déterminé, ces clefs n’avaient qu’à bien se tenir. J'avais la patate et l'impression de pouvoir réaliser l'impossible.

« Excuse-moi, je ne sais pas trop ce qui m’a pris… oui je vais bien merci. »

Malgré sa voix un tantinet tremblante, sa réponse fait diminuer mon inquiétude. Je songe qu'il a dû avoir l'un de ces moments passagers où l'on se remémore un petit détail survenu par le passé et qui a encore un impact de nous, émotionnellement parlant. C'est alors que perdu dans cet instant passé, on n'a plus conscience de ce qui nous entoure et on laisse apparaître les sentiments lié au souvenir. Par exemple, lorsqu'on se met à rire tout seul à cause d'une blague qui nous a été racontée il y a deux ans, lorsque notre visage s'assombrit en repensant à un moment déplaisant, lorsqu'on serre les dents en pensant à quelqu'un de détestable, ou encore, lorsque nous sourions au souvenir d'un moment de plaisir qu'on a eu avec d'autres personnes...

Je suis persuadée que des instants comme ceux-là, varient d'intensités d'une personne à une autre. Certains doivent éprouver des émotions plus fortes et parfois confuses, alors que d'autres n'y accordent pas plus d'importance qu'il n'en faut.

« Me remémorer mon arrivée a fait resurgir en moi de vieux souvenirs agréables d’une époque que je croyais sombre… »

Je lance sur un ton incertain:
« Heureusement, rien n'est complètement sombre. Il y a toujours de petites lueurs de joie... »

Tous n'ont pas la même perception de ce qu'est un moment sombre et pourtant, tous le monde finit par en vivre. Certes, des événements sont plus tragiques que d'autres et cela dépend aussi de la sensibilité de chaque individu, mais un moment sombre reste un moment sombre.

« Bref le passé est le passé… et si on essayait de nouveau de dénicher tes clefs ? Je suis sûr qu’elles ne se trouvent pas loin ! »

Mon sourire revient. Avec tout ça, je les avais complètement oubliées...

« Oui, tu as raison. Elles doivent être dans le coin. »

Et de nouveau, c'est la fouille dans la pelouse...

« Oui, tu as raison. Elles doivent être dans le coin. »

En remarquant son sourire j’en conclus que mes explications semblaient avoir suffi pour la rassurer, ce qui me permit de déculpabiliser totalement. Sans plus attendre on se remit donc de nouveau à la recherche de ces fameuses clefs dans cette grande étendue verdâtre. La tête légèrement incliné vers le bas,  j’inspectai minutieusement chaque portion du terrain en espérant entrevoir à travers ce gazon un détail, un indice pouvant me rapprocher de mon but. Malheureusement après plusieurs minutes d’enquête je n’avais rien trouvé à part quelques emballages alimentaires de toute sorte allant du simple emballage en plastique de biscuits aux sacs cartonnés de célèbres fast-foods. Je soupirai en voyant ces détritus, les personnes vivant ici avaient si peu d’intérêt pour l’écologie ? Certes moi-même je n’étais pas un Nicolas Hulot dans l’âme mais il y avait tout de même un minimum à respecter. En plus cette année l’écologie avait fait pas mal parler d’elle avec notamment la COP21 qui visait à limiter le réchauffement climatique. Il n’y avait donc pas d’excuses valables pour ces criminels de l’environnement qui avaient délibérément pollué la cour de l’Académie. Le regard posé sur ces déchets émergeant de la pelouse, je détournai finalement les yeux pour me reconcentrer ma quête principale : retrouver les clefs de Tori. En effet il était hors de question que je paye personnellement pour les actes de quelqu’un d’autre. Évidemment actuellement j’aidais Tori qui avait perdu ces clefs, mais cette histoire était complètement différente. Elle cherchait d’elle-même ses clefs et c’est moi seul qui lui avais proposé mon aide. En aucun cas j’avais été forcé de l’aider.  Maintenant que j’y pensai je me demandai comment elle avait bien pu perdre ses clefs ici. Les avaient-elles fait tomber par hasard ? Ou bien était-ce quelqu’un de malhonnête qui lui avait intentionnellement caché rien que pour l’embêter ? Quelles étaient les réelles circonstances qui entouraient cette mystérieuse disparition ? Je me retournai alors vers la propriétaire des clefs  qui paraissait être en pleine fouille et la questionnai sur le sujet.

« Au fait, tu les as perdues comment tes clefs ? » l’interrogeai-je d’un air inquisiteur.

J’espérai sincèrement qu’elle n’était pas la victime d’un groupe d’élèves hostiles. J’avais horreur de ces gens capables de pratiquer cette discrimination bête et méchante. Rien que d’y penser, je ne pus m’empêcher de serrer les poings. Ce genre de personnes me dégouttait.

Alors que je déplace un emballage de barre de chocolat pour regarder en dessous, Zakary me pose une question:

« Au fait, tu les as perdues comment t'es clefs ? »

Mes mains se crispent dans l'herbe et je me tourne gênée vers lui. Comment réagirait-il en apprenant que nous sommes tous les deux à quatre pattes dans la pelouse par ma faute? Parce que je m'ennuyais et que je lançais mon trousseau, une chose assez stupide qu'on ne fait pas habituellement avec des clés et que manque de chance, l'anneau a décidé de rendre l'âme au mauvais moment... L'anneau aurait pu se briser dans un moment encore pire que celui-ci. Par exemple, au milieu d'un couloir bondé d'élèves qui, ne faisant pas attention à l'endroit où ils mettent leurs pieds, auraient envoyé valser les clés dans toutes les directions inimaginables. Certes, le moment aurait pu être pire, mais ça n'empêche pas que j'emprunte du temps libre à quelqu'un d'autre, parce qu'il m'aide à chercher.

« Je n'avais rien à faire, donc je me suis mise à jouer avec le trousseau. Malheureusement, en le lançant en l'air, il a frappé le mur et s'est brisé. Comme j'ai voulu me protéger de la pluie de métal, je n'ai pas vu où les clés sont tombées. Je sais, c'est très bête. C'est la dernière fois que je tente de me divertir avec des clés. »

Le pire qui pourrait arriver, c'est qu'il se mette à m'engueuler en disant que je lui ai fait perdre son temps et qu'il s'en aille ensuite. De toute façon, ça ne serait pas la première fois que ça m'arrive.

« Je suis vraiment désolée de te faire perdre ton temps pour un truc aussi anodin. Après ça, je te devrai un immense service. »

Pour aucune raison, je me met à penser soudainement que je vais devoir aller acheter un porte-clés pour remplacer l'ancien, une fois que j'aurai retrouvé mes clés. Ça me donne une occasion d'aller en ville. Cependant, ce n'est pas le moment d'y penser. Je devrais plutôt m'inquiéter de la réaction de Zakary qui, jusqu'ici est resté calme, mais peut-être va-t-il exploser d'un moment à l'autre?

Mon regard posé sur Tori, cette dernière semblait avoir été troublée par ma question. En effet comme si elle venait de se rendre compte de quelque chose, son visage habituellement neutre exprimait désormais de l’inquiétude, une inquiétude qui ne fit qu’amplifier mon hypothèse concernant la perte de ses deux objets personnels. Furieux d’apprendre que des élèves de l’Académie pouvaient agir ainsi, je commençai alors à m’avancer vers elle dans le but de lui demander plus de détails à propos de ces vauriens quand elle décida de prendre la parole.

« Je n'avais rien à faire, donc je me suis mise à jouer avec le trousseau. Malheureusement, en le lançant en l'air, il a frappé le mur et s'est brisé. Comme j'ai voulu me protéger de la pluie de métal, je n'ai pas vu où les clés sont tombées. Je sais, c'est très bête. C'est la dernière fois que je tente de me divertir avec des clés. Je suis vraiment désolée de te faire perdre ton temps pour un truc aussi anodin. Après ça, je te devrai un immense service. »

Lancer ? Briser contre un mur ? Instantanément je me mis à éclater de rire. Comment avais-je pu imaginer le pire scénario qu’il soit ? Décidément je m’emportais trop vite. Rassuré, je luis souris en lui précisant que ça ne servait à rien qu’elle s’excuse.

« Ne t’en fais pas, si ça m’avait vraiment emmerdé je ne t’aurais pas proposé mon aide ou je serais parti depuis bien longtemps. Entre élèves c’est plutôt normal de s’entraider puis de toute façon je n’avais rien de spécial à faire aujourd’hui. »

Marquant une petite pause, le fait qu’elle ait mentionné de me devoir un immense service ne m’avait pas échappé. C’est pourquoi j’ajoutai par la suite…

« Par contre maintenant que tu le dis, il se pourrait bien que je te demande un petit service quand on aura retrouvé tes clefs. »

La stratégie du donnant-donnant commençait à porter ses fruits. Sans que je le demande explicitement elle comptait déjà me proposer son aide. De plus elle avait bien spécifié "un immense service", donc je ne pouvais pas rêver mieux. C'était plaisant de voir quelqu'un qui avait vraiment la tête sur les épaules, mais cependant je ne souhaitais pas lui forcer la main. Du coup j’avais seulement émis la possibilité de lui demander un service, même si en vérité au fond de moi j’étais certain de lui solliciter son assistance une fois ses clefs retrouvées.

Content de la tournure que prenaient les événements, je me remis donc en quête de ces deux morceaux de métal. C’était les deux seules pièces manquantes au puzzle pour arriver à mon intention initiale : trouver une personne qui accepterait de m’aider à exercer mon pouvoir.

J'ai la mine basse, je regarde le sol et je me prépare à ce qu'il se fâche. Au lieu de quoi, il éclate de rire et ça me fait sursauter.

Il rit??? Je risque un coup d'œil, juste pour m'en assurer, mais on ne peut s'y méprendre; il est bel et bien en train de rire! Pour quelle raison rit-il? À cause de la situation ou à cause de ma gaffe?

« Ne t’en fais pas, si ça m’avait vraiment emmerdé je ne t’aurais pas proposé mon aide ou je serais parti depuis bien longtemps. Entre élèves c’est plutôt normal de s’entraider puis de toute façon je n’avais rien de spécial à faire aujourd’hui. »

C'est vrai que s'il avait voulu s'en aller, il en aurait eu largement l'occasion, en prétextant un rendez-nous qu'il avait oublié ou encore des travaux à faire. À la limite, il aurait pu me demander ce que je faisais dans l'herbe et ensuite, il se serait éloigné, en me souhaitant bonne chance pour mes clés.

« Par contre maintenant que tu le dis, il se pourrait bien que je te demande un petit service quand on aura retrouvé tes clefs. »

« Quand on aura retrouvé mes clés? Même si on ne les retrouve pas, je compte t'accorder un service pour l'aide que tu m'as apporté. Après tout, ça ne fait de mal à personne de se sentir utile.

Et tant qu'il ne s'agit pas de faire ses devoirs à sa place, ça devrait aller.

« Cela dit, ce serait préférable de les retrouver. »

Je lève la tête vers le ciel, afin d'observer la position du soleil. Comme je m'y attendais, l'astre a bien décliné depuis le début de l'après-midi. À ce temps-ci de l'année, le soleil se couche vers 16h30 dans la région du Québec où j'ai grandie, mais comme l'Angleterre est plus rapprochée du cercle polaire, il va se coucher plus tôt. On va devoir retrouver ces fichues clés avant que la nuit tombe.

« Je n'y ai pas pensé plus tôt, mais un aiment aurait été utile à la recherche. »

Avoir su qu'on prendrait tant de temps à les chercher, je serais allée acheter un magnétique. Ce n'est pas bien difficile à obtenir, il suffit d'aller dans n'importe quelle boutique de souvenirs en ville. Sauf qu'à présent, le temps d'arriver en ville, il fera déjà noir dehors.