Edi Svenhild, la petite viking [terminé]

"La contrée d'Elborg était le plus bel endroit du monde. Quoi de mieux qu'un paysage blanc au find fond de la Norvège, habité par un peuple altruiste et sympathique ? Mais en dehors des monts enneigés qui semblaient tout droit sortir d'un conte, ce qui faisait la prospérité d'Elborg était les phénomènes célèstes appelés "aurores boréales". La légende racontait que ces phénomènes arrivaient très souvent là-bas, tellement que ça en devenait presque banal. Et en tant que seule survivante de la contrée d'Elborg, je vous le dis : ce n'est pas une légende. J'ai vu autant d'aurores boréales que d'étoiles dans le ciel. Beaucoup de gens sur cette Terre m'ont envié, moi et mon peuple, c'est pourquoi ils nous ont anéantis...
Nous, les Olrik, on était des humbles humains parmi d'autres, vivant heureux, comme si le monde était en paix. On ne se posait pas ces questions existentielles sur le sens de la vie ou l'apocalypse. On existait de toute façon, alors à quoi bon se demander pourquoi ou pour combien de temps ? Peut-être qu'on aurait dû, mais on ne pensait pas que ce qui arriverait arriverait... Bref, les Olrik avaient été crées il y a 8 siècles sur la base d'une seule et même croyance : l'âme représentait le cinquième élément tout puissant contrôlant les quatre autres (l'air, la terre, l'eau et le feu), elle était symbolisée par un cercle avec une pointe en bas. Ainsi, la pratique de la sorcellerie était considérée comme honorable car elle était liée à l'âme du sorcier, idem pour les médiums et autres spirituels appelés charlatans partout ailleurs. Prendre une vie - et donc une âme - était le plus grand des péchés. Tout Olrik qui se respectait se devait d'être bienveillant envers chaque âme, qu'elle soit végétale, animale ou humaine, pure ou impure. Oui, peut-être qu'on était naïfs, notre naïveté nous a même peut-être perdus. Mais vous savez, la vie était si belle à Elborg, j'aurais voulu que ce soit ainsi partout ailleurs, et pour toujours."
Je termine d'écrire ces mots dans mon journal avant de pousser un soupir qui se matérialise en un petit souffle vert. Une petite aurore boréale. Il me faut être concentrée quand j'utilise mon pouvoir à pleine puissance, mais les petites aurores boréales de rien du tout comme celle-ci surgissent sans même que je m'en rende compte... Je ne m'y ferai décidément jamais. Je ne compte plus les jours et les kilomètres que j'ai traversés depuis l'incident. L'incident ? Le terme "génocide" convient mieux à ce qu'il s'est passé. Dans mon journal, j'essaie d'aborder le jour où Elborg a été mise à feu et à sang, mais je repousse toujours ce passage du récit à plus loin, je n'arrive pas à relater les événements à l'écrit... Je n'arrive pas à admettre. Le son proche d'une goutte brisa le silence de mort qui régnait sur la plaine enneigée. Il pleut. Ah non, c'est moi qui pleure... Je me relève, je marque la pierre où j'étais assise d'un E et je continue ma route. Mes pieds s'enfoncent profondément dans la neige, presque jusqu'aux genoux. Je tombe. Je me relève... Ah non, je ne me suis pas relevée. Après tout, pourquoi pas ? La neige est agréable, même s'il fait vraiment froid. Heureusement, c'est une nuit sans vent qui m'attend. Qui sait ? Peut-être demain sera-t-il moins tragique ? Sois forte, Edi...
J'erre toujours. Je n'ai pas vu de "E", ça veut dire que je ne suis pas revenue sur mes pas. Au moins, je vais dans une direction ! Mais je ne vais pas bien, les souvenirs de cette affreuse nuit teintée de rouge et de cris me hante... Ma maison et ma famille ont brûlé, je n'ai même pas pu dire adieu à Runi avant de m'enfuir à toutes jambes... Runi était le meilleur ami que j'ai jamais eu, la personne la plus généreuse que je connaisse. Il m'a appris à ouvrir mon coeur, il m'aappris les astres et le ciel. Mais évidemment, il fallait qu'il habite (comme tous les gens que j'aimais le plus au monde) dans la vallée dont les peuples plus forts enviaient la beauté. C'est pour ces foutues aurores boréales que tout le monde est mort ! Et je suis la seule encore vivante, là, dans le froid, et tout ce que je veux, c'est une maison.
Il y a cette lettre que j'ai trouvée coincée dans la fente d'une souche et qui m'est adressée. Qu'est-ce que je fais ? C'est étrange, comment quelqu'un sur cette planète peut-il savoir que j'existe ? Tout le monde pense que les Olrik ont été exterminés jusqu'au dernier... Et en plus, qui peut bien savoir que je suis ici, perdue dans ce paysage nordique ? Mais cette lettre m'offre ce dont j'ai besoin. Reste à savoir comment je vais traverser la mer jusqu'en Angleterre. En prenant le tunnel sous la Manche ? Ca me paraît bien, comme plan...
Je m'appelle Edi Svenhild, j'ai 15 ans, je suis la dernière Olrik et je pars pour l'Académie Tsuki.