Jarreth Gillian

Eh bien commençons. Je n'ai jamais eu ce que mes parents appelaient "la fierté des Irlandais du sud"et de toute façon je n'ai définitivement pas hérité de leur maudit tempérament. Très jeune j'avais compris que mes désaccords idéologiques avec eux ne s'arrangeraient pas en grandissant; je crois qu'eux aussi l'ont saisis puisqu'ils se sont vite rendu indifférents à mon égard. Intellectuellement, sans vouloir la ramener, j'étais assez précoce il faut dire. Mes camarades de classe au collège parlaient de moi comme d'un génie; les profs aussi d'ailleurs. Mais ce qui a toujours compté pour moi plus que tout, et cela je l'ai toujours défendu, ce n'est pas ce que j'avais dans la tête, mais ce qui régnait dans mon cœur idéaliste. Je ne pouvais pas cautionner les désirs ardents de mes parents envers toute l'Irlande car ils étaient source de haines, de colères et de conflits; moi à l'inverse, après avoir lu nombre de poètes, je commençais petit à petit à penser durant mes premières années d'école que tout cette agitation et cette haine n'était que l'engrenage d'un cercle vicieux qui poussait l'humanité dans le mauvais sens, encore et encore, comme Sisyphe pousse sa pierre. Alors je me suis jurer de m'en tenir à la paix et à la justice; je me suis aussi promis de toujours voir le bien chez les gens, tant que possible. Et là... et là je pense que Dieu, si il existe, m'a entendu et s'est dit que ce serait sans doute bien plus drôle de me rendre cette tâche infaisable. Ma famille est partie un matin, sans mot dire, sans explication. Je ne sais pas pourquoi et je ne me rappelle d'aucun détails si ce n'est qu'on m'est tombé dessus. Et là cette douleur. Un laboratoire. Des expériences. Et pendant longtemps: très longtemps. Ma tête qu'on disait si bien faite se trouvait à être ouverte, observée, trafiquée par.... par des.... par des putains d'enfoirés ! Le calme revint un jour comme un bateau trouvant le rivage après avoir essuyer la longue tempête. Le ciel était clair et j'étais libre. On m'avait sauvé ou je m'étais sauvé seul. Je ne sais plus. Le fait qu'à partir de ce moment là j'ai du reprendre ma vie là où elle s'était arrêté. Les expériences avaient démarré alors que je n'avais que 14 ans, et me voilà avec quoi... selon la date... 18 ans ?! Cet enfer avait été si long ? Je ne préférais plus y penser. En comptant sur la bienveillance d'un vieux tavernier de ma ville natale qui, il semblerait, fut l'un des seuls restés dans le coin à s'être ému de ma disparition, j'ai pu gagner un peu ma vie en travaillant pour lui. Peu à peu je perdais tout souvenir de la confusion qu'avait été ces expériences affreuses, ni des jours qui leur succédèrent. Ma scolarité avait été gâché en tout cas, et j'étais trop las et fatigué pour la reprendre. Tout me paraissait si lointain et vague... et je n'avais pas fini. Lorsque le vieux Will dit au tavernier qu'il repasserait demain payer le reste, une douleur me cisailla la tête avec une telle violence que j'en renversai les verres tout en perdant l'équilibre. Ce n'était que mon deuxième jour de travail et je découvrais pour la première fois l'immonde héritage que les kidnappeurs m'avaient laissé: une sorte de super pouvoir... Il me fallut peu de temps pour découvrir que ce don m'offrait la chance inestimable de détecter les mensonges chez les autres. Et quelle chance ! Deux ans passèrent durant lesquels je n'eu plus une seconde à moi pour réfléchir ou me remettre de mes émotions tandis que des souffrances atroces me tordaient le lobe frontal par la faute d'un tas de clients, tous de types différents, entre eux ou au bon tavernier. Je me suis mis à presque les haïr, tous, pour jouer la comédie, faire les faux semblants, encore et encore, et me faire souffrir ainsi même inconsciemment ! Dès les premières semaines je me mettais à désirer frapper certains avec les choppes en verre. Mais il fallait que je tienne bon, que je maîtrise cette douleur et que je ne cède pas à la rage. Ma dernière part d'identité, de vie, de moi même, c'était dans cette inaltérable foi en le genre humain que je m'étais juré de garder. Je décidai ainsi de défier les plans divins et de trouver l'altruisme et les bonnes intentions chez tout le monde même derrière leurs mensonges éhontés. Et au bout de deux ans, je fini par abandonner. Je n'avais plus de nuits, plusieurs fois je cru mourir de douleur, et la dépression me guettait clairement malgré la force de mon caractère d'Irlandais (si mes parents lisaient ça...). Je remettais donc ma lettre de démission au tavernier que je remerciai avec entrain, lui seul qui m'avait soutenu et fait conserver mes principes, et j'entrepris de quitter le domicile familial (toujours vide) et même l'Irlande. Il me fallait voyager, refaire le point, et trouver la paix. C'était sans compter quelques lettres glissant de ma vieille boite aux lettres déglinguée. Une d'elle venait d'une certaine académie Tsuki. Une école pour des gens avec des pouvoirs... était-ce un canular ? Un piège ? Je ne savais pas trop mais c'était peut-être une opportunité. Il fallait l'envisager. Je contemplai longtemps la lettre avec une hésitation qui me parut éternelle. Le long et doux silence qui me traversa tandis que je relais une dernière fois cette invitation me fit frissonner: c'était la vérité. J'avais des économies, et rien à perdre. C'est ainsi que je décidai de tenter le diable avec cette fameuse académie Tsuki. Ainsi commence mon histoire.